Arts du cirque - Collectionneurs

AFFICHE, ESTAMPE

De Rouen au Japon, le cirque à l’affiche

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 28 février 2022 - 571 mots

ROUEN

Les musées métropolitains rouennais mettent à l’honneur la collection du couple Borg, passionné de cirque.

Anonyme, Les trois frères Fratellini, vers 1930, plâtre polychrome et vernis, collection J. Y. et G. Borg. © Photo Yohann Deslandes
Anonyme, Les trois frères Fratellini, vers 1930, plâtre polychrome et vernis, collection J. Y. et G. Borg.
© Photo Yohann Deslandes

Rouen. Le cirque arrive en ville ! Pour la 9e édition du « Temps des collections », les musées de la Métropole Rouen Normandie puisent dans la riche collection de Jeanne-Yvonne et Gérard Borg, médecins passionnés des arts circassiens. Le travail mené en collaboration avec ces collectionneurs boulimiques aboutit à quatre expositions présentées dans autant de musées de la métropole.

Aucun risque de redite d’un parcours à l’autre tant la profusion de la collection construite par les époux Borg offre divers points d’entrée dans l’univers du cirque. Au Musée industriel de la Corderie Vallois (à Notre-Dame-de-Bondeville), le costume est à l’honneur, tandis que la Fabrique des Savoirs (Elbeuf) conte l’histoire de Buffalo Bill. Dans le centre-ville de Rouen, les musées des beaux-arts et Beauvoisine se sont intéressé à l’imagerie promotionnelle, occidentale ou orientale.

L’entrée du cirque en ville s’accompagne souvent d’une fanfare bruyante, mais surtout d’une campagne d’affichage recouvrant les murs. C’est ce battage publicitaire que l’exposition du Musée des beaux-arts restitue dans la première salle du parcours. Ces affiches représentent tant le spectacle sous le chapiteau que la logistique titanesque qu’il nécessite. Les affiches du cirque Barnum & Bailey vantent ainsi le gigantisme de l’opération en exhibant les rangées de locomotives fumantes, ou bien les tentes hautes comme un immeuble dressées pour l’occasion. « L’institution d’amusement la plus grande, la plus majestueuse, et la meilleure du Monde » : dans ces campagnes promotionnelles, l’argument est la démesure. Car le spectacle, c’est aussi cette ville qui se déplace sur les rails et traverse les océans en paquebot.

L’image du cirque, premier spectacle planétaire, est liée à l’itinérance, bien que les pistes du cirque « en dur » fussent une réalité jusqu’aux années 1970. Pour s’adapter à la langue des différents pays traversés, les plaques d’impression des affiches sont d’ailleurs embarquées avec fauves et acrobates. Le parcours du Musée des beaux-arts présente ainsi quelques rares exemples d’affiches imprimées « avant la lettre », c’est-à-dire avant que le message soit apposé sur l’image, en allemand, en italien ou en français. Touchant à l’exhaustivité, la collection du couple Borg permet aussi de revenir dans le temps, aux origines du cirque, lorsque la tradition des saltimbanques croise la route des exercices militaires équestres, lesquels, peu à peu codifiés, deviennent des numéros à la fin du XVIIIe siècle.

Les musées Beauvoisine présentent une collection d’estampes japonaises unique au monde. Fait déconcertant pour le regard européen, ces estampes sont là aussi des images promotionnelles, loin de l’image raffinée et élitiste attachée à cet art. La tradition circassienne est également bien ancrée dans l’archipel nippon, depuis le VIIIe siècle. Les spectacles d’antipodistes ou de montreur de singes y sont annoncés par des « flyers » promotionnels où les exploits des acrobates sont exagérés, comme dans toute bonne publicité. Les artistes circassiens ayant souvent une activité professionnelle annexe, la réclame va jusqu’à mentionner leur commerce entre deux acrobaties sur échelle.

En Europe, ces estampes emballaient les précieux bibelots prisés par l’élite convertie au japonisme. Simples réclames au Japon, elles deviennent très vite chez nous des objets d’art convoités. C’est aussi cet aller-retour entre les registres de l’imagerie populaire et les beaux-arts qui démontre la richesse du thème. Aux côtés des artistes, les imprimeurs gagnent leurs lettres de noblesse. Une salle entière est ainsi consacrée à Friedländer, une imprimerie hambourgeoise spécialisée dans les affiches de cirque, dont l’efficacité graphique est un spectacle avant le spectacle.

Le temps des collections. Cirques et saltimbanques,
jusqu’au 17 avril, dans quatre musées, www.musees-rouen-normandie.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°583 du 18 février 2022, avec le titre suivant : De Rouen au Japon, le cirque à l’affiche

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