Dans le Pittsburgh de W. Eugene Smith

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 23 avril 2012 - 384 mots

« W. Eugene Smith est le photographe américain qui a sans doute le plus influencé le photojournalisme.

Pourtant, aucune rétrospective ne lui a été encore étrangement consacrée en France, ni véritablement en Europe ni aux États-Unis », constate Gilles Mora qui, en choisissant de se concentrer sur la série « Pittsburgh » réalisée par le célèbre photographe de 1955 à 1958, propose de découvrir ou redécouvrir une œuvre au-delà de ses icônes et, à travers elle, la démarche et la personnalité d’un homme engagé, méticuleux et intransigeant.

En se focalisant sur une centaine de tirages de travail et de tirages d’artiste de ce projet de titan qui ruina et épuisa William Eugene Smith (1918-1978), Gilles Mora, spécialiste de la photographie américaine et auteur aux éditions du Seuil d’une monographie de référence sur l’ancien reporter photographe de Life, met en lumière ses ambitions, sa manière de travailler sur le terrain comme dans son laboratoire et les différentes facettes de cette série méconnue, entamée à la faveur d’une commande passée par l’éditeur Stefan Lorant pour illustrer un ouvrage sur Pittsburgh.  La ville industrielle est alors en pleine reconstruction. W. Eugene Smith de son côté vient de démissionner de Life et de rejoindre en mai 1955 l’agence Magnum. Avec Pittsburgh, il veut « tenter le portrait d’une ville », en saisir toute la complexité et les contradictions, sortant ainsi rapidement du cadre de la commande pour s’engager à ses frais dans ce projet mené en plusieurs séjours et organisé en douze thèmes : déconstruction et reconstruction de Pittsburgh, monde du travail, rites, enfants, voitures, économie…

Le solde de négatifs (17 000), de tirages de travail (6 000) et de fine prints (une centaine) donne la mesure de son ambition et de son rêve : réaliser un livre absolu et une exposition auxquels il devra néanmoins renoncer faute de trouver un regard attentif, notamment chez Life. Son essai sera seulement publié en 1959 par la revue Phography Annual. « Pittsburgh fut le labyrinthe d’Eugene Smith comme Dublin le fut à Joyce », souligne Gille Mora. De cette vision subjective et décalée aux tirages de travail neutres qu’il noircit, dramatise, magnifie au tirage final, comme le montre à plusieurs reprise l’exposition, émane tout le lyrisme, la force à valeur symbolique de cet observateur et narrateur du monde sans concession.

Information

« W. Eugene Smith : Pittsburgh, l’impossible labyrinthe (1955-1958) », Pavillon populaire, esplanade Charles-de-Gaulle, Montpellier (34), www.montpellier.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°646 du 1 mai 2012, avec le titre suivant : Dans le Pittsburgh de W. Eugene Smith

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