Crissements de pneus

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 avril 2003 - 371 mots

Si l’automobile traverse depuis quelques mois les turbulences de l’actualité, cet objet représente encore, après un siècle d’existence, une source inégalée d’inspiration pour les artistes, les architectes et les urbanistes. L’exposition du CAUE 92 lui offre un hommage saisissant, sous la forme d’un échantillonnage de prototypes étranges, de garages high-tech, de parkings robotisés et de photographies léchées, dont elle est l’unique objet de désir. Répartie en cinq thématiques – Scalextric, Réparation, Crash, Intimité, Mélanges –, cette exposition permet de comprendre combien l’auto a pu stimuler l’imagination d’artistes aussi divers que Bertrand Lavier, Claude Closky, le groupe BP ou encore Valérie Belin et pourquoi elle provoque encore aujourd’hui bien des émois. Bruno Rousseaud propose quatre prototypes, réductions d’Alfa Roméo, Mercedes, Chevrolet Corvette et Aston Martin surmontées de canons de char. Habituellement, il conduit une Porsche ou une Ferrari affublées de ce leurre agressif et en impressionne plus d’un, mais ces versions miniatures ont aussi leur efficacité. Laquées de gris métallisé, elles tournent lentement, comme des pièces de joaillerie, et hypnotisent un public masculin en désir de puissance. Qu’on ne s’y trompe pas, « Carrosserie » n’est pas pour autant une exposition pour macho en mal de grosses cylindrées. Devant les terribles photographies de tôle froissée dans des accidents de la route de Valérie Belin, ou la vidéo de Closky montrant une tranche de vie autoroutière, la sensibilité automobile n’a plus de genre, elle séduit et interpelle tous les publics. Analyses sociologiques et critiques du tout automobile, ces œuvres construisent un dialogue stimulant avec les projets et les réalisations architecturales exposées en sous-sol. Des maisons du Corbusier qui réservait à la voiture une place de choix, aux constructions plus actuelles, où les architectes rivalisent d’intelligence et d’esthétique pour cacher et protéger ce qui devient de plus en plus une unité d’habitation mobile, les projets séduisants se succèdent. On peut même faire la course sur un circuit de petites voitures... Vue comme cela, l’automobile demeure un fétiche de la modernité, une essence du ludique qui déclenche les instincts les plus déraisonnables mais aussi les plus fertiles du moment.

SCEAUX, galerie du Petit Château, Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Hauts-de-Seine, 9 rue du docteur Berger, tél. 01 41 8704 40, jusqu’au 26 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°546 du 1 avril 2003, avec le titre suivant : Crissements de pneus

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