Grèce - Jeux Olympiques

Consensuelles olympiades de l’art contemporain

Par Paul Ardenne · L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 673 mots

Mirifique exposition d’art contemporain proposée par la fondation Deste, « Monument To Now » participe du programme culturel Athènes 2004 au moment même où la capitale grecque accueille les Jeux olympiques.

Au fondement de cette exposition – distribuée en deux lieux, la Deste et le vaste local rénové Nea Iona, situé près du village olympique –, on trouve l’immense collection d’art vivant constituée par Dakis Joannou, richissime collectionneur grec, mécène et créateur de la fondation. Une collection dont la dernière présentation publique d’envergure remonte à 1996 (« Everything That’s Interesting is New »), et énergiquement réenrichie depuis lors.

L’objectif officiel de « Monument to Now » ? Faire état, en les mettant en résonance, des différentes tendances de l’art international. Le panel des artistes représentés pour ce faire (plus de soixante) est, presque sans exception, de gros calibre, de Gilbert & George à Jeff Koons, Robert Gober, Damien Hirst ou Peter Halley pour les plus connus, de Maurizio Cattelan à Urs Fischer, Douglas Gordon, Mariko Mori, Gregor Schneider et Olafur Eliasson pour la génération plus récemment élue. Un coup d’œil sur la guest list rassurera l’aficionado des grandes messes internationales d’art contemporain : ici, nulle défection au registre des abonnés, au point même que l’on puisse à bon droit s’inquiéter de l’absence d’originalité d’une sélection valorisant autant l’éclectisme que la convention. Commissaires de l’exposition, Dan Cameron, Nancy Spector, Massimiliano Gioni et Alison Gingeras (respectivement deux mandarins et deux représentants de la jeune garde de l’establishment) parachèvent le casting de « Monument to Now » pour sa plus grande gloire médiatique, y ajoutant ce qu’il faut de caution intellectuelle pour intimider Candide.

Face à une offre à ce point somptuaire, la tentation est aussi grande que légitime d’apprécier en quoi celle-ci reflète le réel état de l’art « en train de ce faire », tel quel et dans sa diversité, et ce qu’on en montre pour l’occasion au spectateur, de manière sélective et intéressée. Ainsi comprise, en dépit de la grande qualité des pièces qu’on y présente, l’exposition « Monument to Now » ne peut dès lors que décevoir, voire désespérer de la liberté. Cette énorme « machine », déjà, ne se gêne pas pour avaliser la mode et les choix du marché, sans ouverture aucune (voir, surreprésentés, les artistes siglés Jeffrey Deitch, marchand-curateur new-yorkais jouant d’ailleurs pour l’exposition un rôle de conseiller artistique).

Le « choix » des artistes et des œuvres émanant des différents commissaires, tout aussi sujet à caution, tient moins de la sélection avertie que de l’acte d’enregistrement, commissaires qui pourront certes se défendre en arguant qu’il leur était difficile de montrer ce que la fondation Deste ne possède pas mais qui en profitent pourtant pour plastronner, en la jouant star curators et profil haut. La désillusion, enfin, se révèle cruelle pour tous ceux, aujourd’hui majoritaires dans le milieu spécialisé, qui ont la faiblesse de croire que l’art contemporain peut prendre une forme autre que classique (les performances, l’art en situation, la création en réseaux, etc., ici totalement absents), ou que ce même art, pourtant fort internationalisé après quinze ans de mondialisation, concerne aussi des pays autres que les États-Unis et leurs traditionnels alliés de marché (Royaume-Uni, Allemagne, Suisse), France y compris – le seul artiste français représenté, comprenne qui pourra, est en effet… Marcel Duchamp ! Une exposition pour mondains et pour spéculateurs abonnés au Kunst Kompass, plus qu’une exposition « équitable » d’art contemporain ? Assurément. Ceci posé et ce (gros) travers admis, aucune raison pour le reste de bouder son plaisir. L’exposition ne dit pas la vérité sur l’art, se contente d’offrir la très complaisante mise en scène de son volet in ? Pour mal nommée qu’elle soit, « Monument to Now » n’en offre pas moins de quoi occuper l’œil et l’esprit, entre deux escapades au stade ou à la palestre.

« Monument to Now », ATHENES, Deste Foundation for Contemporary Art, 8 rue Omirou et Deste Nea Iona, rue E. Pappa & Filellinon, jusqu’au 31 décembre (horaires aménagés durant les Jeux olympiques). Renseignement : www.monument-to-now.gr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : Consensuelles olympiades de l’art contemporain

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