Confucius, le sage parfait

L'ŒIL

Le 1 décembre 2003 - 685 mots

La pensée de Confucius a profondément marqué la civilisation de la Chine, du Japon, de la Corée et du Viêtnam. Plus qu’un homme ou un penseur, il représente un véritable phénomène culturel qui se confond avec le destin de toute la civilisation chinoise. Vingt-cinq siècles après son apparition, ce phénomène perdure encore, après bien des transformations.
Originaire du petit royaume de Lu (au Shandong), berceau de la culture ritualiste antique et proche de la maison royale des Zhou (XIe-IIIe siècle avant J.-C.), Confucius témoigne sans cesse de son attachement profond à la dynastie et à ses valeurs. Mais, déçu par son souverain, il va proposer ses services et ses conseils à d’autres, sans grand succès, semble-t-il. C’est au nom d’un mandat qu’il a conscience d’avoir reçu directement du Ciel qu’il poursuit sa quête de la Voie. Confucius est reconnu parmi ses contemporains comme celui « qui s’obstine à vouloir sauver le monde, tout en sachant que c’est peine perdue ». Ses principes philosophiques et éthiques eurent une grande influence et furent ensuite recueillis dans plusieurs ouvrages.
À plus de soixante ans, il revient à Lu, où il passe les dernières années de sa vie à enseigner à des disciples de plus en plus nombreux. C’est aussi à ce moment-là que, d’après la tradition, il aurait composé, ou du moins remanié, les textes qui lui sont attribués et qui revêtent de ce fait un caractère canonique. En fait, ces derniers existaient déjà à son époque ; il s’en est servi dans son enseignement et les a sans doute remaniés et réinterprétés, dans une optique surtout éthique et éducative. La parole de Confucius est résolument axée sur l’homme, enjeu central de cet avènement philosophique. Trois pôles essentiels se dégagent : l’étude, la qualité humaine et le sens du rite. Confucius défend la conviction que la nature humaine est éminemment perfectible. D’ailleurs, il ne commence pas par un quelconque endoctrinement, mais par la résolution d’apprendre le ren, que l’on peut traduire par « le sens de l’humain » et la forme du caractère ren fait voir que l’homme ne devient humain que dans ses rapports à autrui. Il ne s’agit pas tant d’une démarche intellectuelle que d’une expérience de vie ; l’important est de « savoir comment » plutôt que de « savoir que ». C’est pourquoi Confucius insiste sur l’esprit rituel dans les activités sacrificielles et existentielles. Il en vient à mettre au premier plan la piété filiale et la loyauté au souverain, expression commune de la fidélité.
Deux penseurs ont joué un rôle décisif dans la fondation du confucianisme : considéré comme héritier spirituel de Confucius, Mencius (vers 380-vers 289 avant J.-C.) fait de la « mission céleste » l’un des piliers de son discours, et sa pensée vise au fond à perpétuer la Voie royale ; l’héritier réaliste de Confucius, Xunzi (né fin du IVe siècle avant J.-C.) conçoit l’homme debout face au ciel et non plus dépendant de lui. Ce n’est qu’au IIe siècle avant J.-C. que le confucianisme devient la pensée officielle, mais c’est la tradition taoïste qui domine le renouveau intellectuel des IIIe et IVe siècles. L’introduction du bouddhisme en Chine autour du Ier siècle et son évolution depuis ont conduit
la pensée chinoise à la croisée des chemins. Au début des Song (Xe-XIe siècle), le système des concours de recrutement des fonctionnaires contribue à la renaissance confucéenne : les débats sur l’esprit et la nature sont ranimés. Cette renaissance s’accompagne d’une réactualisation de la tradition des mutations et du renouveau cosmologique, et cela aboutira au XIIe siècle à une grande synthèse dont l’un des acteurs éminents, Zhu Xi, connaîtra un énorme succès grâce aux programmes des concours officiels, jusqu’à la fin de l’empire. Le fait que l’on insiste trop sur l’esprit dans la pensée des Ming (XIVe-XVIe siècle) suscite comme réaction une recherche d’esprit critique et d’approche empirique sous les Qing (XVIIe- XVIIIe siècle).
À l’aube du XIXe siècle, le confucianisme est maintes fois revisité et réévalué.

« Confucius, à l’aube de l’humanisme chinois », PARIS, musée Guimet, 6 place d’Iéna, XVIe, tél. 01 56 52 53 00, 29 octobre-9 janvier 2004.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°553 du 1 décembre 2003, avec le titre suivant : Confucius, le sage parfait

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