Art contemporain

Chéri Samba, des tableaux comme des messages

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 452 mots

À la question : « Qu’est-ce que l’art ? », posée à chacun des artistes invités de l’exposition « Magiciens de la terre », en 1989, Chéri Samba, qui en était, confia à son interlocuteur qu’il se méfiait des définitions.

« La science, lui disait-il, étant perpétuellement en avancement ou en évolution, une donnée attestée pour aujourd’hui peut être mise en cause pour demain. » Prudence verbale ? Sagesse africaine ? Ou art de la dialectique ? Sans doute un peu de tout ça puisque l’artiste s’empressait d’ajouter : « Mais ce que nous pouvons tenter, c’est de dire ce que peut être l’art et ce qu’il ne peut pas. » Originaire du bas Zaïre, né en 1956 dans le village de Kinto M’Vuila, Samba wa Mbimba N’zingo Nuni Ndo Mbasi, alias Chéri Samba, a fait son apparition sur la scène artistique internationale au début des années 1980, dans la foulée d’un retour à la figure et à l’éveil à toutes sortes de cultures autres. Parfaitement lucide sur ses aptitudes artistiques, le jeune Samba – qui vendait à la sortie de l’école ses esquisses « d’humours » – quitta sa famille en 1972 pour aller s’installer à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Il y travailla tout d’abord dans un atelier de peinture d’enseignes pour prendre ensuite un atelier à son compte, accrochant ses tableaux sur la façade extérieure afin que l’on voie ce qu’il faisait. Mélange subtil d’images populaires et d’icônes publicitaires, son art qui en appelle à la bande dessinée porte « un regard extrêmement critique sur la vie sociale, les mœurs, les habitudes, la sexualité… » (André Magnin, commissaire de l’exposition à la fondation Cartier).

Chéri Samba a une façon très personnelle de composer ses peintures en y multipliant les télescopages entre textes et images, entre premier et arrière-plan, entre une saynète et une autre, de sorte à constituer quelque chose qui tient tout à la fois du tableau, du tract et de la notice illustrée explicative. Tous ses soins relèvent d’une volonté de communication à propos des grandes questions que pose la marche du monde. « Il y a une pauvreté, une bêtise, une corruption, un chaos, une décadence universels, dit-il. J’aime penser que l’artiste peut changer les mentalités, j’interpelle les consciences. » Il y parvient d’autant plus facilement que son art est d’un accès immédiat par ses qualités figuratives et qu’il ne se prive pas d’humour, ni de tendresse. Chéri Samba ne dit pas qu’il vend ses tableaux, il préfère dire qu’ils sont partis, comme autant de messagers envoyés « pour être vus partout dans le monde ».

« J’aime Chéri Samba », PARIS, fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, XIVe, tél. 01 42 18 56 50, 24 janvier-2 mai.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Chéri Samba, des tableaux comme des messages

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