Chaissac

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 1 mai 2006 - 718 mots

Cordonnier dans le bocage vendéen, Chaissac a découvert la peinture presque par hasard. Il ne l’abandonnera plus tout au long d’une vie qu’il passa loin de l’effervescence parisienne.

«Quand je peins, c’est comme quand on est sur une bicyclette sans freins. » Chaissac fonce, il a confiance dans la force de sa passion de peintre et de sculpteur.
Né en 1910 à Avallon, dans l’Yonne, il passe son enfance  dans la cordonnerie de ses parents. Son père abandonne rapidement le foyer, sa mère reste seule avec ses quatre enfants.
À treize ans, Gaston Chaissac se retrouve marmiton dans un restaurant de la ville, puis commis dans une quincaillerie, apprenti chez un bourrelier. Il assiste par hasard aux cours de dessin de Mlle Guignepied dont l’enseignement est radical : la gomme est prohibée, il faut faire bien du premier coup.

Sa santé fragile rythme ses premières années de peintre
En 1926 la famille déménage dans la Nièvre, à Villapourçon. Le jeune homme y découvre l’occultisme et les rites druidiques, mais sa santé commence à se détériorer. Sa mère meurt en 1931. Il vit alors de petits métiers et finit par prendre, en 1934, une échoppe de cordonnier à Paris.
Gaston Chaissac profite de ses loisirs pour se rendre au musée du Louvre et au musée du Luxembourg. Il dessine souvent des « gribouillis » sur des bouts de papier.
En 1937, il se lie d’amitié avec Otto Freundlich et Jeanne Kosnick-Kloss, un couple d’artistes habitant le même immeuble que lui. Ces derniers l’invitent à peindre dans leur atelier. Il se lance alors dans la peinture : « avec la belle assurance d’un ignorant. »
Ses tableaux suscitent rapidement le plus vif intérêt de la part de ses nouveaux amis et de leur entourage.
Ils montrent des personnages, parfois entourés d’animaux noirs et blancs, disposés comme des poupées devant un paysage très simple.
Chaissac a déjà cette liberté de peindre sans jamais s’interdire quoi que ce soit. Mais le jeune homme est en proie à une sérieuse déprime.
Il entre à l’hospice pour indigents de Nanterre en 1937, puis part quatre ans en sanatorium pour soigner une infection pulmonaire. Il y fait la connaissance de sa future femme, Camille.
Il rencontre aussi d’autres artistes et réalise de nombreuses gouaches très colorées. Invité par Gleizes (1881-1953), il quitte le sanatorium pour la Provence en mai 1942.
Chaissac déborde d’idées nouvelles et essaye de dessiner « dans des positions inconfortables, ce qui doit détacher l’esprit de la matière. » Il réalise aussi de nombreux décors de papier collé.
Le couple, maintenant marié, s’installe en 1943 à Boulogne, un tout petit village vendéen. Ils habitent l’école rurale où Camille est nommée institutrice. « Cordonnier sans travail », l’artiste investit tous les espaces disponibles, décore le préau de l’école et fait à la craie des dessins éphémères sur le tableau noir de la classe. Des géants de muraille, immenses dessins au charbon, peuplent peu à peu les murs alentours. Il quitte rarement sa campagne mais écrit beaucoup à ses amis, des intellectuels et des artistes. Il fait en 1946 la connaissance de Jean Dubuffet (1901-1985).
« Les ordures sont des éléments picturaux de premier ordre ». Pour ce « Picasso de bidonville », comme il se désigne lui-même, l’ardeur ne tarit pas. Vieux balais, épluchures, chutes de planches, fragments de souches, bouses de vache, etc. se métamorphosent toujours sous les doigts du magicien du quotidien.
Les grands totems polychromes apparaissent en 1960. Le succès commercial arrive enfin.
Chaissac bénéficie de quatre expositions personnelles en 1961, puis de cinq en 1963. Il participe également à de nombreuses expositions collectives.
Sa vivacité et sa verve sont intactes, mais il souffre. Il est incapable de revêtir les habits d’un artiste à succès. « Je reste décharné et très fatigué et j’ai à me défendre contre trop d’aigrefins. »
Gastron Chaissac meurt le 7 novembre 1964 à l’hôpital de la Roche-sur-Yon.

Biographie

1910 Naissance à Avallon dans une famille modeste. 1936 Cordonnier à Paris, il rencontre le peintre allemand Otto Freundlich qui l’encourage à dessiner. 1938 Atteint d’une tuberculose, Chaissac fréquente les sanatoriums. 1949 Participation, avec Dubuffet, à la 1re exposition d’art brut chez Drouin à Paris. 1957 Se lie d’amitié avec Queneau. 1961 Exposition à la galerie Iris Clerc, « protectrice » des Nouveaux Réalistes. 1964 Décède à 54 ans.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Chaissac

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