Fondation

In situ

Buren rhabille la Fondation Vuitton

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2016 - 756 mots

PARIS

Daniel Buren pare l’édifice de Frank Gehry de couleurs, une œuvre aux allures d’Arlequin qui transforme les lieux tant à l’extérieur qu’à l’intérieur.

PARIS - Autant le dire tout de suite : Daniel Buren a réussi à la Fondation Louis Vuitton à Paris ce qu’il avait raté au Grand Palais, à l’occasion de la manifestation Monumenta au printemps 2012. À la décharge de l’artiste, occuper la grande nef est un exercice périlleux, sur lequel la plupart des intervenants se sont cassé les dents ; par ailleurs, Daniel Buren n’avait pu disposer, pour des questions logistiques, que de six ou sept jours pour réaliser son œuvre. Un délai insuffisant qui l’avait poussé à modifier son projet. Il s’était « contenté » d’installer un plafond de cercles transparents de couleur à l’intérieur de l’édifice, alors que son intention première était d’intervenir en extérieur sur la verrière du Grand Palais. C’eût été certainement plus pertinent, comme on avait pu l’entrevoir avec l’échantillon qu’il en avait donné.

Rien de tel à la Fondation Louis Vuitton, où Buren a pu disposer de la collaboration d’une quizaine de personnes sur cinq semaines pour installer son œuvre, L’Observatoire de la lumière, ce sur vingt-cinq nuits afin de ne pas gêner les visiteurs. Toujours côté chiffres, le projet aurait demandé 1 800 films plastique, des filtres collés en quinconce sur autant de panneaux de verre (les douze grandes voiles de l’architecture de Gehry en comptant 3 600 au total). Ils ont été entièrement installés en haute voltige depuis l’extérieur, pour partie par des cordistes et pour l’autre depuis des nacelles. Une vidéo montre cette « odyssée de l’espace », qui s’inscrit dans le même esprit de record titanesque que l’intervention de Huang Yong Ping pour l’édition actuelle de Monumenta : une même logistique colossale, une même volonté de repousser les limites sur le plan de la réalisation et du spectaculaire.

Un projet qui modifie la perception de l’environnement
Mais à la différence du gigantisme vain de l’artiste franco-chinois, la démesure de Daniel Buren n’est pas une coquille vide. Sous-titrée « Travail in situ 2016 », son intervention déploie à grande échelle et illustre parfaitement le concept même de son travail tel qu’il le mit en place dans les années 1960.Introduisant cette expression latine dans le champ des arts plastiques, l’artiste mit en place une méthode (et un discours) « qui consiste à prendre en compte l’essentiel des spécificités (architecture, contexte économique, social, culturel…) du lieu dans lequel il est invité à intervenir ». L’Observatoire de la lumière rappelle qu’avec Buren ce n’est pas tant l’outil visuel ou les films plastique qu’il faut regarder, mais plutôt la façon dont ils modifient la perception de l’environnement et du lieu même dans lesquels ils sont installés. Et grâce à l’architecture de Frank Gehry, augmentée par la gamme des treize couleurs (des bleus, des verts, des jaunes…) proposées par le fabricant du matériau, cette modification a lieu aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur.
De loin, en effet, Buren donne l’impression d’avoir hissé des spinnakers de couleur sur le navire Vuitton. Dedans, c’est au sol, à l’image d’une marelle, sur les murs, dans l’espace même des terrasses que l’œuvre vit : elle bouge avec les couleurs ou se stabilise avec les verticales des bandes blanches (toujours de 8,7 cm), et transforme constamment l’architecture en fonction de la lumière du jour, de la pluie ou du soleil, des déplacements des visiteurs. Les mouvements de chacun, les reflets, les effets de transparence, d’ombre portée et de projection colorées évoluent sans cesse, multipliant les variantes et bousculant l’architecture.
Il serait intéressant de connaître l’avis de Frank Gehry quant à l’intervention de l’artiste avec lequel il partage une réelle complicité. L’architecte l’avait invité pour l’inauguration en lui proposant d’intervenir avec des drapeaux : « Je ne sentais alors pas du tout le projet », avoue Buren. Désormais son projet transforme la monochromie de la voilure du bâtiment en kaléidoscope. Un habillage festif qu’accompagne du 2 au 4 juin le « BurenCirque » – imaginé par Daniel Buren, Dan et Fabien Demuynck dans les années 2000 –, installé au pied de la Fondation le temps de trois représentations exceptionnelles d’un nouveau spectacle intitulé Trois fois un autre cabanon. Comme une ponctuation ludique de l’ensemble.

DANIEL BUREN, L’OBSERVATOIRE DE LA LUMIÈRE

Jusqu’à fin 2016, Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma-Gandhi, Bois de Boulogne, 75116 Paris
tél.01 40 69 96 00, lundi, mercredi, jeudi 12h-19h, vendredi 12h-23h, samedi et dimanche 11h-20h
entrée 14 €. Catalogue, coéd. Fondation Louis Vuitton/Xavier Barral, 456 p., 45 €.


www.fondationlouisvuitton.fr

Légende photo

Daniel Buren, L’Observatoire de la lumière, 2016, travail in situ. © Photo : Iwan Baan/Fondation Louis Vuitton.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°459 du 10 juin 2016, avec le titre suivant : Buren rhabille la Fondation Vuitton

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