Art ancien

À Blois, chez les Valois

La Galerie des Offices honore la déesse de la mythologie

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 28 juin 2002 - 749 mots

Comment évoquer la profusion de couleurs, d’ornements dans le décor et l’ameublement des châteaux royaux de la Renaissance, à travers les rares vestiges qui nous soient parvenus. C’est le pari – réussi – de l’exposition de Blois consacrée au mobilier à la cour des Valois.

BLOIS - L’exposition “Parures d’or et de pourpre” se veut une réponse aux visiteurs du château de Blois qui s’étonnent de trouver un lieu à peu près dépourvu de mobilier et de décor. En effet, tous les meubles royaux fabriqués sous le règne des Valois ont disparu. Aussi, Thierry Crépin-Leblond, directeur du château, a-t-il voulu “évoquer le caractère coloré, orné et foisonnant de ce mobilier disparu, en faisant appel au textile, aux lambris dorés, aux modèles gravés et aux meubles d’origine princière ou inspirés par le mobilier royal”, comme il l’écrit dans le catalogue. Ainsi que le montrent les miniatures de l’époque, les murs étaient couverts par de somptueuses tentures, comparables à la tapisserie aux armes de Vienne-Dinteville (vers 1516-1522), les meubles eux-mêmes présentaient une vive polychromie, à l’instar du lit du duc Antoine de Lorraine. Parfois, la structure en bois était entièrement couverte par la parure textile.

Comme le suggère la présentation en pièces détachées de la couche du duc de Lorraine, le mobilier suivait le plus souvent les souverains dans leurs déplacements d’une demeure à l’autre, à l’exception toutefois des meubles d’apparat les plus imposants laissés en place. Les châteaux restaient donc le plus souvent vides, et même lorsque le roi séjournait dans l’un d’entre eux, l’importance de la cour obligeait à réduire l’ameublement au strict minimum. En revanche, les artisans offraient à leurs commanditaires des productions d’une rare qualité, dans lesquelles la virtuosité du décor était étrangère à toute gratuité. Sculptés dans le bois ou tissés, les motifs héraldiques occupent en effet une position centrale dans l’ornementation. Un relevé d’une tapisserie de François Ier par Roger de Gaignières, auquel fait écho une porte de Chambord, place les armes de France au cœur d’un champ losangé dans lequel apparaissent l’initiale royale, la fleur de lis et la salamandre, toutes couronnées. Henri II ne démentira pas cette inclination : ces emblèmes (initiale, croissant, monogramme, triple croissant entrelacé, tous coiffés de la couronne royale) fleurissent sur portes et tapisseries, meubles et lambris. Mais le foisonnement ornemental ne se limite pas à ces motifs, et les estampes de Jacques Androuet du Cerceau, l’auteur des Plus excellents Bastiments de France, constituent une source précieuse : cariatides, termes, sphinx, grotesques, guirlandes, masques, trophées et vases se mêlent et s’entremêlent avec une rare densité. “Rien ne nous assure qu’il s’agit du mobilier royal mais tout le suggère”, estime le commissaire de l’exposition, rappelant que du Cerceau connaissait bien les demeures de la Couronne. Tapisseries ou broderies ont également puisé dans ce fantastique répertoire.

Au-delà de l’évocation de l’ameublement, l’exposition s’attache à décrire l’évolution des styles, de François Ier à l’avènement de la dynastie suivante, celle des Bourbons. Le règne du vainqueur de Marignan est marqué comme on le sait par l’introduction en France des modes italiennes, par l’intermédiaire des artistes eux-mêmes. Apparaît ainsi dans les châteaux royaux, le cabinet du Roi. Il n’en reste plus qu’un, à Blois justement. Pour celui de Fontainebleau, Primatice fournit des modèles pour des héros de l’Antiquité associés aux vertus qu’ils incarnent. Selon Thierry Crépin-Leblond, “l’origine des panneaux peints en camaïeu d’or incrustés dans le mobilier se trouve dans ces figures du cabinet de François Ier”. La référence antique allait s’affirmer avec une vigueur redoublée sous le règne d’Henri II : le modèle désormais n’est plus l’Italie contemporaine, mais la Rome des Césars. Dans les lambris sculptés par Scibec de Carpi, tout un vocabulaire ornemental de trophées à l’antique habille lambris et menuiseries. La référence romaine imprègne également la tapisserie provenant du château d’Anet (Diane implore de Jupiter le don de chasteté). À la fin du siècle, les meubles se parent de pierres colorées, et surtout d’une sculpture toujours plus foisonnante, à l’image de l’armoire Arconati-Visconti, qui présente par ailleurs des restes substantiels de polychromie. Les ébénistes du XIXe siècle avaient justement retrouvé cet esprit décoratif et Félix Duban, le restaurateur du château de Blois, avait bien compris l’importance de la couleur dans le décor de la Renaissance.

- PARURES D’OR ET DE POURPRE, LE MOBILIER À LA COUR DES VALOIS, jusqu’au 30 septembre, château de Blois, place du château, 41000 Blois, tél. 02 54 90 33 33, tlj 9h-19h30 (9h-18h à partir du 1er septembre). Catalogue, éd. Somogy, 142 p., 28 euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : À Blois, chez les Valois

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