Installations

Bill Culbert, sculpteur de lumière

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2016 - 697 mots

Le Musée des beaux-arts de Dole présente les sculptures de néons de l’artiste néozélandais, où la couleur, empruntant à la peinture, s’approprie la lumière.

DOLE - C’est l’un de ces artistes que l’on n’attendait plus et qui, après avoir bénéficié en France d’une relative attention au cours des années 1970 et 1980, avait comme tant d’autres presque disparu, jusqu’à ce que son pays natal ne lui donne les clefs de son pavillon à la Biennale de Venise de 2013. Quoique Néozélandais, Bill Culbert n’était pourtant pas si loin, partageant son temps entre Londres, où il acheva sa formation dans les années 1950, et le Luberon, où dès 1961 il acquit une maison, ce qui ne fut pas sans influer sur son expérience de la lumière. Le Musée des beaux-arts de Dole lui rend un hommage, avec une exposition qui éclaire la cohérence d’une démarche essentiellement sculpturale, faisant de la lumière et des matériaux « vulgaires » – contenants en plastique et éléments de mobilier pour beaucoup – des composantes essentielles de son œuvre. S’impose dans son travail un rapport au flux, à la circulation et au mouvement, comme avec cette valise trouvée percluse de néons (Return Journey Sydney, 1992), ou ce magnifique amalgame au sol de contenants en plastique et de tubes lumineux qui sembleraient être des déchets, restés là après le reflux d’une marée (Daylight Flotsam Venice, 2013).

Bill Culbert s’ingénie à défier les lois de la physique avec cet élément immatériel et évanescent qu’est la lumière. Parfois l’acte est presque violent, lorsque sont transpercées des pièces de mobilier avec des tubes lumineux ; ce qui implicitement conduit à s’interroger sur ce qui, in fine, de la lumière ou du mobilier, tient véritablement l’œuvre. Définition et scansion de l’espace l’occupent également, comme avec cette série de portes alignées entre les fenêtres d’une longue perspective. Incluant chacune en leur centre des néons verticaux, elles semblent aussi jouer d’une ambiguïté avec le plan du tableau (Light Stoppages, 2001).

Déconstruction de la peinture
De fait Culbert a une formation de peintre ; une pratique qu’il abandonna après avoir découvert la lumière du Sud. Si l’artiste refuse désormais d’exposer ses toiles de jeunesse, quelques-unes sont reproduites en ouverture du catalogue qui accompagne la manifestation. Alors que l’une d’entre elles, datée de 1959 – il a alors 24 ans – mêle de trop nombreuses références, les deux œuvres de la décennie suivante données à voir, tout à fait honnêtes sans être foncièrement novatrices, apparaissent bien plus intéressantes en affirmant sur le plan et la toile une recherche basée sur la couleur et son autonomie dans l’espace. Or cette exposition rétrospective montre bien que le sculpteur des préoccupations d’ordre pictural qu’est Culbert a toujours été à l’œuvre, même si celles-ci sont plus ou moins ouvertement exprimées.

Les plus évidentes tiennent en particulier dans des œuvres constituées de bidons aux couleurs primaires – rouge, jaune, bleu, blanc… – alignés sur le mur et transpercés par des tubes de néons qui, par leur action, permettent l’apparition d’effets, de textures, d’irrégularités de densité et de surface dans cette matière qui n’est jamais regardée. La couleur, c’est bien elle qui déjà jouait le premier rôle dans des œuvres intitulées Théorie de la couleur (1991), dont un exemplaire ici accroché, se compose de quatre contenants en plastique reliés entre eux par des néons afin de former un carré. L’allusion à la peinture concrète est ici  limpide et montre un sculpteur s’essayant à une déconstruction de la peinture et de certaines de ses racines historiques, qui furent à la source même de ses réflexions d’artiste.

Mais Bill Culbert sait aussi se montrer plus « retors », tant avec les catégories qu’avec le spectateur et les réflexes de son regard. En témoignent deux œuvres très réussies, des petites tables en bois accrochées sur le mur par un de leur côté et sous chacune desquelles est suspendue une lampe de cuisine (Table Lamp Interior, 1981-1982). Dans ces sculptures sont réunis des éléments d’une nature morte, tandis que les jeux d’ombres façonnent le cadre et que la forme rectangulaire de l’ensemble et ses proportions renvoient le volume… à celui d’un tableau finalement.

Bill Culbert

Commissaire : Amélie Lavin
Nombre d’œuvres : environ 40

Bill Culbert

Jusqu’au 28 février, Musée des beaux-arts de Dole, 85, rue des Arènes, 39100 Dole, tél. 03 84 79 25 85, www.doledujura.com, tlj sauf lundi 10h-12h et 14h-18h, dimanche 14h-18h, entrée gratuite. Catalogue co-éd. Musée des Beaux-arts de Dole/Dilecta, 104 p., 27 €.

Légende photo
Bill Culbert, Hotel Sydney, 1992, table, valise, tubes fluorescents. © Bill Culbert.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°448 du 8 janvier 2016, avec le titre suivant : Bill Culbert, sculpteur de lumière

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