Bernard Pagès, question de position

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juin 2003 - 399 mots

Du plâtre coloré, des bidons écrasés, du fil de fer, des branchages, du bois et des lanières de caoutchouc, de l’Altuglas, du béton coloré, de la tôle, de l’acier torsadé, etc., on n’en finirait pas d’établir l’inventaire des matériaux mis en œuvre dans les sculptures de Bernard Pagès. Depuis plus de trente ans que cet artiste s’est imposé comme l’un des membres le plus inventif du groupe Supports-Surfaces, il n’a eu de cesse d’interroger la sculpture dans ses constituants. Dans ses placements et ses jeux formels aussi. S’il l’a tantôt dressée, tantôt rassemblée, tantôt couchée au sol, il l’a toujours inconfortablement installée. Comme s’il cherchait à la mettre à l’épreuve d’une relation à l’espace. Ni figées sur un soubassement, ni sur un socle, les sculptures de Bernard Pagès montrent tout d’abord leur instabilité. Intitulée « Dérives de colonne », l’exposition de Malakoff annonce clairement la couleur. La douzaine de pièces qui occupent tant les salles intérieures de la maison des arts que le parc présentent toutes quelque chose qui va de travers, si l’on peut dire ! Non qu’il y ait quelque chose qui « cloche » mais c’est ainsi, l’art de Pagès ne tient pas debout. Du moins, comme il le dit, l’artiste aime-t-il que sa « sculpture ait la capacité d’adopter de multiples postures ». Dans la mesure où, de son point de vue, « la verticalité est un cas limite, une position exceptionnelle ». Il est vrai qu’après tout, il n’est pas d’érection absolument verticale, loin de là ! L’essentiel n’est-il pas dans ce que ces dérives de colonne supposent comme éléments d’une architecture dynamique, par les directions et les axes qui en règlent le placement.
À l’idée d’une sculpture longtemps considérée comme une masse pleinement verticale, figée, voire plombée, faite d’un seul et même matériau, la démarche de Bernard Pagès oppose une esthétique quasi inverse. Fondée sur l’oblique, le suspens, le composite, l’éclaté, celle-ci repose sur une dialectique de l’« in-espéré » – comme l’a justement noté Philippe de Georges – au sens où ce terme « affirme la bonne surprise venue, le surgeon, l’inattendu d’un bonheur ou d’une émotion éprouvée ».
Attente et chancellement sont en effet chez Pagès les critères récurrents d’une œuvre qui bouscule heureusement les conventions.

« Dérives de colonne », MALAKOFF (92), maison des arts, 105 avenue du 12 Février 1934, tél. 01 47 35 96 94, 17 mai-13 juillet.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°548 du 1 juin 2003, avec le titre suivant : Bernard Pagès, question de position

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