Bernard Frize, la peinture au travail

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 396 mots

A Bâle, l’été dernier, le visiteur de l’exposition « Painting on the move » présentée par le Kunstmuseum n’aura pas manqué de relever la place de premier plan qui avait été réservée à Bernard Frize dès le début du parcours. S’il n’est plus temps de présenter Bernard Frize qui, depuis vingt-cinq ans ne cesse de conjuguer « le merveilleux de l’automatisme » et « la rigueur de la construction abstraite » (E. de Chassey), on peut regretter la trop grande timidité de nos institutions à son égard. A quand une exposition en France de son œuvre comme celle que l’on peut voir aujourd’hui à La Haye, qui était hier à Gand et qui sera demain à Otterndorf en Allemagne ? Sans être rétrospectif, le parcours qu’elle détermine sur les quinze dernières années n’en offre pas moins l’occasion de prendre toute la mesure d’une production qui allie le pur plaisir de peindre à la rigueur conceptuelle et à l’invention. Car c’est bien de cela qu’il s’agit par-delà l’aspect abstrait d’une peinture qui semble ne se délecter que de jeux formels les plus antagonistes et de gammes chromatiques les plus extrêmes. Tout l’art de Bernard Frize réside dans la quête d’une identité de la peinture, non d’une peinture soumise à l’illustration d’une quelconque mimesis mais de la peinture elle-même, au travail, dans le respect de ses éléments spécifiques. « Une peinture doit vous permettre d’imaginer comment elle est faite, comment vous pourriez l’avoir peinte vous-même », affirme le peintre. Quoiqu’apparentée au radicalisme pictural propre aux années 1970, la démarche de Frize s’en distingue par la mise en question des deux présupposés qui le caractérisent : le refus de tout « iconisme » et celui de tout illusionnisme. A l’encontre d’une attitude qui n’acceptait alors aucune espèce de dérive à ce propos, la peinture de Bernard Frize qui se veut libre et ouverte en recourant à toutes les techniques et à tous les processus possibles ne cesse de jouer des effets les plus troublants, voire les plus ludiques, qu’elle est à même d’engendrer. Faite tour à tour de trames et de traces, de taches et de flocages, de moirures et de marbrures, de stries et de percées, la peinture de Frize procède d’une logique du non-sens qui en assure l’unité et qui en fait le style.

LA HAYE, Gemeentemuseum, Stadhouderslaan 41, tél. 70 338 11 11, 14 décembre-9 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Bernard Frize, la peinture au travail

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