Art moderne - Art contemporain

Belle éclaircie dans le ciel arlésien

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 3 septembre 2013 - 656 mots

ARLES

Le Musée Réattu rouvre ses portes avec une démonstration surréaliste sur le thème du nuage comme une invitation à la méditation.

ARLES - Certes, ce n’est pas la première fois qu’une exposition est consacrée au thème du nuage. On se souvient notamment de « Les nuages… là-bas… les merveilleux nuages » (en référence baudelairienne) au Musée Malraux du Havre fin 2009-début 2010. Mais l’angle de celle actuellement présentée au Musée Réattu à Arles est indéniablement inédit. Comme le précise Michèle Moutashar, la directrice du musée et commissaire de l’événement : « Ce n’est pas la représentation du nuage qui m’intéressait. Je ne voulais surtout pas d’illustration. Mon sujet n’est pas dans le ciel, mais dans le corps à corps entre le nuage, qui est le plus humain des corps célestes, et le corps de l’homme lui-même. Comme le lien ombilical entre l’homme et le nuage ». Et si on redescendait un peu… L’origine du projet – ambitieux – remonte à une trentaine d’années, lorsque Michèle Moutashar lève les yeux dans la cathédrale de Parme et découvre les nuages peints par Le Corrège sous la coupole. Averse et coup de foudre. L’idée de l’exposition se profilera plus tard avec la lecture d’un passage du journal de Jean Arp, Jours effeuillés. Le résultat n’est donc pas le fruit d’une précipitation, mais plutôt d’un précipité. Car si Michèle Moutashar, qui est en quelque sorte devenue une spécialiste de météorologie artistique, a mis du temps pour réaliser son projet, elle a aussi mis le paquet, puisque ce ne sont pas moins de quelque 120 œuvres de 57 artistes qui sont ici présentées dans 26 salles, soit la totalité du musée et de ses 1 000 m2.

Un cheminement métaphysique
Arp est une pierre angulaire du parcours, mais c’est une autre pierre, de méditation cette fois, qui va dès l’une des premières salles avec deux autres objets provenant de la nature — une racine d’arbre et une météorite – servir de fil rouge au parcours. Cette pierre de lettré chinois, bel exemple de « racines des nuages » selon le nom qui leur est donné, est ici parfaitement mise en rapport avec une photo d’Edward Weston de 1936 Dunes Oceano, « où les nus sont des dunes et les dunes des nuages » (selon les termes, haut perchés, de Michèle Moutashar). Les deux œuvres donnent le ton, composé pour créer des dialogues, des rencontres inopinées, des rapprochements subtils, des télescopages, des ellipses… Certaines salles sont habitées par un seul artiste, comme celle entièrement animée par les Silver Clouds d’Andy Warhol, sortes de coussins gonflés à l’hélium qu’un ventilateur fait voltiger ou encore celle intelligemment transformée en camera obscura par Céleste Boursier-Mougenot pour faire entrer le Rhône et ses paysages à l’intérieur de l’espace. Cependant la plupart des autres salles créent de belles rencontres : croisements de disciplines (photo, peinture, sculpture, installation, dessin, vidéo…), de générations (Jean-Baptiste Caron né en 1983 et Brassai, 1899-1984), d’artistes très connus (Piero Manzoni, Anselm Kiefer, Markus Raetz…) avec d’autres beaucoup moins (Cornelia Parker, Arnaud Vasseux, Charlotte Charbonnel…), avec cet agréable plaisir de ne pas retrouver les mêmes noms abonnés des expos collectives. Et surtout croisement de propositions plastiques et d’œuvres (dont certaines spécialement réalisées pour l’occasion) qui, très bien choisies, génèrent de vrais moments de magie, de temps suspendu, d’humour, de réflexion. Car on s’en rend vite compte, le nuage version Moutashar est avant tout un ciel dégagé pour l’imaginaire, la métaphysique, la poésie.

Et il est clair qu’en croisant notamment Le promenoir à nuage de Françoise Coutant, un bel ensemble de photos de Dieter Appelt, ou la cacahuète et son ombre « Cloud with its Shadow » de Marina Abramovic, l’ensemble n’a rien de dépressionnaire et relève plutôt du grand avis de beau temps.

Nuage

Jusqu’au 31 octobre, Musée Réattu, 10 rue du Grand Prieuré, 13200 Arles, tél, 04 90 49 37 58, www.museereattu.arles.fr, du mardi au dimanche de 11h à 19h, fermé le lundi.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°396 du 6 septembre 2013, avec le titre suivant : Belle éclaircie dans le ciel arlésien

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