Photo

Avant-garde parisienne

Le Journal des Arts

Le 17 février 2009 - 664 mots

Christian Bouqueret expose à l’hôtel Sully sa collection d’images des années 1920-1940.

PARIS - Des différentes facettes de Christian Bouqueret, on connaissait l’historien de la photographie spécialiste des avant-gardes des années 1920-1930, l’auteur de monographies, l’éditeur, le commissaire d’exposition et l’ancien galeriste. Au Jeu de paume, à Paris, l’exposition « Paris capitale photographique, 1920-1940 » inaugure une série d’hommages à la collection privée et fait découvrir le collectionneur d’exception.
À l’hôtel de Sully, une partie de la collection que Christian Bouqueret rassemble depuis trente ans décortique l’histoire négligée de la « Nouvelle Vision », synonyme de modernité. Au lendemain de la Grande Guerre, le flou pictorialiste cède la place à la netteté alliée à des effets visuels inédits. Cette pratique photographique radicale s’impose aux États-Unis, en URSS, en Allemagne, aux Pays-Bas et en France. Taisant les influences du Bauhaus et du constructivisme russe, cette exposition esthétisante exalte l’idée d’un creuset parisien bouillonnant d’invention lorsque les photographes français et étrangers en exil, qui apportent leur culture de Berlin, de Budapest, de Vilnius ou de New York, appliquent leurs recherches formelles au surréalisme, à la presse illustrée et à la publicité.

« Vision plastique du corps »
Illustrant cette thèse, l’exposition s’ouvre sur la section « Paris » avec des vues fragmentées, en contre-plongée ou abstraites, de la tour Eiffel vue par Germaine Krull, Ergy Landau, François Kollar. Ni reportage ni mode ensuite parmi les œuvres choisies de quarante auteurs qui mettent en lumière l’art du portrait de caractère par Maurice Tabard, Jean Moral, et révèlent les regards de Maurice Cloche, Jean Painlevé ou des Allemandes Marianne Breslauer et Anne-Lise Kretschmer. Les biographies succinctes qui relient les auteurs, l’accrochage qui rapproche des expérimentations formelles telles qu’Hélice du paquebot le Normandie (1937) de Pierre Boucher et une nature morte hélicoïdale (1930) d’André Vigneau, font le pari de laisser le visiteur découvrir cette nébuleuse artistique, selon le souhait du commissaire Michaël Houlette. L’œil s’attarde sur la qualité rare des épreuves argentiques d’époque, ainsi Satin et Plumes (1933) d’Emmanuel Sougez. Les manipulations mises au service de thèmes comme « L’objet », « Une autre réalité » et « La figure humaine » sont confrontées à travers les rayogrammes de Man Ray, les chimigrammes de Jacques-André Boiffard, les photocollages surréalistes de Dora Maar, les distorsions de nus féminins par André Kertész, les compositions de Florence Henri saisies dans le miroir. À dessein, aucune des expérimentations visuelles qu’a effectuées à Paris Lázló Moholy-Nagy en 1925 n’est montrée, alors que ce théoricien du Bauhaus prônait déjà « l’utilisation – productive – de la photographie avec des angles de vue inusités de biais, vers le haut, des vues plongeantes, des déformations ». De même, le contexte d’une Europe déchirée entre fascisme et socialisme, les influences de Dada au cubisme ou de l’Académie moderne de Fernand Léger restent occultés.
L’idée de modernité est appuyée par les livres précurseurs : Métal (1927) de l’Allemande Germaine Krull ; Paris, 80 photomontages (1931) du Lituanien Moï Ver, un trésor de bibliophilie, ou le mythique Paris de nuit (1933) de Brassaï que complètent des revues et ouvrages clés du surréalisme tels que Banalité (de L.-P. Fargue, 1930) illustré par Roger Parry. Vraie découverte, l’audace formelle des nus masculins de Laure Albin-Guillot est saluée avec la somptueuse série « La cantate de Narcisse » (1934) d’après Paul Valéry. « À une époque où n’existe aucune représentation du corps masculin hormis l’homo-érotisme revendiqué par Platt-Lynes, Laure Albin-Guillot illustre la force et la fragilité qui crée une tension avec une vision plastique du corps humain », souligne Christian Bouqueret. Les derniers feux d’une capitale artistique que New York détrônera après guerre.

Paris capitale photographique 1920-1940, collection Christian Bouqueret, jusqu’au 24 mai, Jeu de paume/hôtel de Sully, 62, rue Saint-Antoine, 75004 Paris, tél. 01 42 74 47 75, www.jeudepaume.org, du mardi au vendredi 12h- 19h, sam./dim. 10h-19h. Catalogue, coéd. La Martinière (de)/Jeu de paume, 192 p., 35 euros

COLL. BOUQUERET
Commissaire : Marta Ponsa et Michaël Houlette
Nbre d’œuvres : 127 25 livres

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : Avant-garde parisienne

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