Au Mudam, le visiteur s’attend à trouver l’eldorado

Par Marie Maertens · L'ŒIL

Le 1 octobre 2006 - 533 mots

L’exposition d’ouverture présente une partie de la collection permanente. Les pièces, choisies pour dialoguer avec l’architecture, se laissent découvrir en flânant. C’est un peu le problème…

«Eldorado », l’exposition d’ouverture du musée d’Art moderne et contemporain de Luxembourg (Mudam), semble bien prometteuse. Choisi pour sa polysémie évidente, ce titre évoque la terre promise et le lieu des rêves les plus fous, tout en rappelant combien cette nouvelle institution était attendue dans le grand-duché. Mais l’exposition, qui rassemble une soixantaine d’artistes, tient-elle réellement ses promesses ?

Une exposition zapping
Certes, on se régale avec Wim Delvoye, auteur du célèbre Cloaca, une machine qui reproduit un appareil digestif mécanique. Le créateur belge a conçu pour le Mudam une chapelle d’inspiration gothique aux vitraux païens subversifs où squelettes, intestins, crânes, baisers et grimaces sont radiographiés. L’installation de Pipilotti Rist est également enchanteresse. Une vidéo met en scène l’artiste, dévoilant son être intime — elle filme l’intérieur de son corps — accompagnée d’une musique hypnotisante et d’une accumulation d’objets qui miroitent délicatement sur le mur.
La vidéo de James Coleman est aussi très efficace. Mise en abîme du discours, ellipse narrative interminable, absence de synchronie entre mise en scène, son, image et montage… On est totalement fasciné par cette intrigue sans repère. Mais l’installation de Nari Ward, supposée plonger le visiteur dans une ambiance chamanique, est certes esthétique, mais peu envoûtante. Plus loin, les visiteurs semblent errer comme des âmes en peine dans la salle consacrée aux sculptures de Richard Deacon, alors que ces pièces travaillant sur l’idée de tension et de contrainte de volumes devraient solliciter le regard.
Aux critiques reprochant à la directrice Marie-Claude Beaud de ne présenter qu’une petite partie de la collection et beaucoup de sculptures gigantesques, elle rétorque qu’il est difficile de pousser chaque visiteur à admirer toutes les œuvres. Nous sommes à l’ère du zapping et les gens vont vite. Mais regarde-t-on vraiment quand on tourne négligemment autour d’une sculpture ? Et était-il judicieux de ne présenter aucun dessin et finalement très peu de peintures plus accessibles au grand public ?
Pourtant, le propos de cette exposition, qu’illustre parfaitement Gaylen Gerber, porte justement sur le regard. Le travail de cet artiste américain né en 1955 consiste en des peintures grises étalées le long des murs, sur lesquelles il a disposé d’autres pièces de la collection. Faisant passer ses propres créations au second plan, presque au rang de support, il démontre que l’œuvre d’art nécessite un fond pour être visible.
L’une des toiles « du dessus » est une image de Rémy Zaugg qui a rédigé : « Regarde, je te regarde et toi tu deviens, regarde. » L’idée est passionnante. On regrette seulement qu’elle soit perdue dans une grande salle où cohabitent sans raison une toile de Julian Schnabel et une sculpture de Daniel Buren.

Autour de l’exposition

Informations pratiques « Eldorado », l’exposition d’ouverture du Mudam, se tient jusqu’au 20 novembre au musée d’Art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 11 h à 18 h, nocturne le mercredi jusqu’à 20 h, tarifs 5 €/3 €. Mudam Luxembourg, musée d’Art moderne Grand-Duc Jean, 3, Parc Dräi Eechelen, L-1499 Luxembourg, tél. 352 45 37 85 1, info@mudam.lu, www.mudam.lu

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : Au Mudam, le visiteur s’attend à trouver l’eldorado

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