Armleder-Garcia

Splendeur et décadence

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 21 août 2008 - 406 mots

Pour ceux qui connaissent les espaces quelques peu cliniques du Centre culturel suisse parisien, la métamorphose n’en sera que plus surprenante et séduisante. Après une fermeture aoûtienne, il faut donc aller voir cet ovni disposé à l’étage du Centre.

On y découvre un décor de poule de luxe, un boudoir de cocotte, ampoulé et chargé à outrance. Une salle à manger sombre et étroite, la table y est dressée, forcément trop. Aux murs, les fameux Big Nudes d’Helmut Newton, puis le visiteur a le choix du corridor. L’un l’amènera directement au salon, l’autre à la chambre, évidemment envahie de piles de livres, de fourrures savamment disposées avec une négligence qui ne doit rien au hasard.
On cherche désespérément la trace du maître suisse Armleder, une bouée pour ne pas se noyer dans l’emphase décorative de Jacques Garcia, pape de la décoration d’hôtel et d’un style rococo synthétique. Il y en a une petite sur la cheminée, seul point fixe de ce tourbillon clinquant et étouffant. Pourtant, le CCS annonce bien une exposition de John Armleder « featuring » Jacques Garcia, comme on marquerait sur un disque. Mais l’invité a mangé l’hôte.
Certes le projet qualifié d’audacieux a, sur le papier, tout d’excitant. Dans la logique « appropriationniste » du Suisse, l’exercice de style du décorateur est signé par celui qui créa dans les années 1980, le concept de furniture-sculpture. « Mes peintures finissent souvent à côté d’un canapé ou au-dessus d’une cheminée chez le collectionneur, à un moment donné j’ai décidé de leur fournir le tableau et le canapé. » Mais faire de cette exposition une « méta furniture-sculpture » ne parvient pas à traverser l’écran conceptuel.
L’expérience de la visite se ressent si détachée de ce postulat de départ qu’elle en devient presque absurde. Le mélange entre le premier maniérisme d’Armleder, déviant et polyptyque, et le second maniérisme formel de Garcia, autoproclamé « un des derniers tenants, en France, de ce que l’on appelle le grand goût », ne prend pas. Trop lourde, déséquilibrée et sans harmonie, la recette met l’eau à la bouche, mais dès la deuxième bouchée, quelque chose ne passe pas. « L’auteur, en définitive, n’est-il pas celui qui regarde l’œuvre car il possède toute liberté d’interprétation ? », interroge Armleder. C’est gentil, mais là, on ne va pas se resservir !

« John Armleder : Jacques Garcia », Centre culturel suisse, 32-38, rue des Francs-Bourgeois, Paris IIIe, www.ccsparis.com, jusqu’au 28 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°605 du 1 septembre 2008, avec le titre suivant : Armleder-Garcia

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