Anri Sala crépusculaire

L'ŒIL

Le 1 avril 2004 - 434 mots

Un cheval à l’agonie filmé de nuit au bord de l’autoroute, en arrière-plan les lueurs de la ville et les phares des voitures qui passent ; un plan quasi fixe qui montre les réactions de l’animal face aux risques ultimes qu’il encourt. Tel est le scénario de Time after time, l’un des cinq nouveaux films imaginés par Anri Sala, jeune artiste albanais né en 1974, qui vit et travaille à Paris.

La dissolution des contours du cheval, le jeu sur le net et le flou décrivent un état entre conscience et inconscience, un entre-deux qui est au cœur des créations du vidéaste, réunies ici sous le titre explicite « Entre chien et loup », moment de transition où les perceptions se brouillent et les repères s’estompent. Réalisés de nuit, dans une lumière artificielle et une atmosphère crépusculaire, Ghostgames ; Mixed Behaviour ; Làkkat ou Dammi i colori poursuivent le chemin tracé par Anri Sala depuis les émouvants Intervista ; Nocturnes et Uomoduomo, œuvres sur l’identité, la solitude, la mémoire, l’ambiguïté, la désorientation. Si l’homme était au centre de ses premiers films, ce sont ici davantage les animaux, leurs comportements et la perception du monde qui les entoure qui ont intéressé l’artiste. L’idée de Ghostgames est née au cours d’un voyage au Brésil, quand, marchant sur une plage avec un ami, Anri Sala doit se frayer un passage au milieu d’une colonie de crabes, qu’il fait fuir avec une lampe torche. De là résulte un jeu – diriger des crabes avec un faisceau lumineux –, à la base du scénario du film que l’on peut voir. En se focalisant sur les animaux – des mites et des papillons dans Làkkat –, Anri Sala s’intéresse à des êtres encore plus troubles et mystérieux que les personnes qu’il filme habituellement. Mixed Behaviour traite également du comportement (humain cette fois-ci), de manière insolite. Un DJ mixe sous la pluie, sans public, une nuit du nouvel an, au milieu de feux d’artifice qui éclatent autour de lui. Ce film joue sur le décalage d’un homme qui n’est pas à sa place, jouant de la musique que personne n’entend, tentant de contrôler une situation invraisemblable.

Deux mondes qui coexistent et ne se rencontrent pas, une constante dans l’univers de Sala que l’on peut vérifier dans la pénombre du couvent des Cordeliers, devenu le lieu privilégié des manifestations hors les murs du musée d’Art moderne de la Ville de Paris.

« Anri Sala, entre chien et loup », PARIS, couvent des Cordeliers, 15 rue de l’École de médecine, VIe, tél. 01 53 67 40 00, 25 mars-16 mai, cat. Paris musées.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Anri Sala crépusculaire

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