Andreas Gursky

Photographier le monde à distance...

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 20 décembre 2007 - 378 mots

Monumentales et parfaitement objectives, les photographies de l’Allemand Andreas Gursky ne peuvent échapper au regard qui s’y porte. À peine les a-t-il croisées qu’il y est aussitôt proprement noyé tant elles s’imposent dans l’évidence de leur étendue. Elles s’offrent à voir en effet non seulement sous la forme de très grands formats mais d’une précision d’image qui le dispute à tout hyperréalisme. Le sentiment de vertige qu’elles suscitent tient notamment au fait que les personnages qui y figurent sont minuscules, impersonnels, dominés soit par le paysage, soit par les architectures dans lesquels ils sont inscrits.
Né en 1955 à Leipzig, Andreas Gursky compte parmi les élèves de Bernd et Hilla Becher, le célèbre couple d’artistes qui ont longuement enseigné à Düsseldorf y impulsant l’émergence dans les années 1980 d’une école de photographie non moins fameuse. Tirées en couleurs, traitées numériquement, les photos de Gursky ont pour sujet essentiel le rassemblement d’êtres humains et les lieux de rencontre de ceux-ci. En même temps, elles mettent en exergue la dimension sociale, politique et organisationnelle des structures de notre monde globalisé.
L’exposition bâloise se concentre sur la dernière livraison de l’artiste et présente quatre nouveaux groupes d’œuvres qui reflètent le monde des courses automobiles de Formule 1 et une manifestation de masse, entièrement chorégraphiée, en Corée du Nord. C’est l’occasion une nouvelle fois pour Gursky de vérifier l’efficacité visuelle de son esthétique. L’artiste a une façon très personnelle de se saisir des événements et des lieux suivant un cadrage à distance qui lui permet de nous en proposer une vue d’ensemble totalement inédite et singulière.
Ce faisant, Gursky s’est fabriqué une image si radicale qu’il lui est finalement difficile de s’en défaire. Son choix du refus de toute narration pour dresser comme en façade les signes d’une société quasi déshumanisée entraîne son art au bord d’une démarche abstraite. D’autant que chacune de ses images procède d’une part construite particulièrement élaborée. Mais par-delà le contexte spécifique et local des sujets qu’il aborde, tous les soins de l’artiste visent à les faire basculer à l’ordre d’une universalité, ce qui confère à ses images, comme à cette exposition, une éminente force d’attraction.

« Andreas Gursky », Kunstmuseum, St. Alban-Graben 16, Bâle (Suisse), tél. 00 41 61 206 62 06, www.kunstmuseumbasel.ch, jusqu’au 24 février 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°598 du 1 janvier 2008, avec le titre suivant : Andreas Gursky

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