Architecture

Air Europe

Quel avenir pour les "ports aériens" des années trente ?

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 8 septembre 2000 - 768 mots

Symbole s’il en est de la modernité, l’aéroport peut-il, une fois le ballet des avions interrompu définitivement, survivre à sa propre désuétude ? Trois "ports aériens" des années trente, à Berlin, Liverpool et Paris sont, à des degrés différents, confrontés à une difficile reconversion, à laquelle le projet "Europe de l’Air", associant la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, s’efforce de proposer des solutions satisfaisantes sur les plans économique et patrimonial.

PARIS / LIVERPOOL / BERLIN - Sous l’effet conjugué de l’augmentation exponentielle du trafic aérien et de la croissance urbaine, les aéroports construits dans les années trente se sont progressivement révélés inadaptés. Alors que nombre de ces “ports aériens” ont disparu, la conservation, la sauvegarde et la mise en valeur de ceux qui existent encore apparaissent comme un enjeu patrimonial important. Mais, comme le montrent les trois ensembles retenus dans le cadre du projet “Europe de l’Air”, Le Bourget à Paris, Speke à Liverpool et Tempelhof à Berlin, les aspects économiques, sociaux et politiques ont leur place dans cette réflexion. Pour alimenter cette confrontation d’expériences, le programme européen Raphaël a permis de financer non seulement les ateliers et les rencontres entre les différents partenaires mais surtout d’éditer un ouvrage et de créer – bientôt – un site Internet.

“Un édifice à multiples fonctions mais unique, généralement dissocié des hangars mais incorporant une tour ou un poste de contrôle, le plus souvent au centre.” Ainsi peut-on définir l’aérogare moderne qui prend forme au cours des années trente, et dont les trois ensembles retenus constituent des exemples particulièrement significatifs. “Pour tout État et pour toute ville…, le bâtiment joue le rôle d’une vitrine : c’est la première (et la dernière) image que voient les voyageurs privilégiés prenant l’avion”, note l’historien Paul Smith en introduction de Années 30 Architecture des aéroports. Le IIIe Reich a donc naturellement investi d’importants moyens dans la conception d’un nouvel aéroport à Berlin. Le premier Tempelhof, inauguré en 1929, s’était vite révélé insuffisant ; en 1936, il était le plus important avec 200 000 passagers par an et jusqu’à dix mouvements d’appareils par heure. Ernst Sagebiel se voit alors confier le soin de concevoir Tempelhof 2. La construction de ce véritable monument, s’étalant sur 1,3 km de long, pourtant menée avec une rapidité spectaculaire, fut interrompue par la guerre, et ne devait connaître ses premières heures de gloire qu’au début d’une autre guerre, froide celle-là. Ce fut l’épisode épique du pont aérien en 1948 et 1949. Situé au cœur de la ville, Tempelhof 2 sera fermé dans les années à venir au profit de Berlin-Brandebourg, mais, déjà, ses 450 hectares de terrains particulièrement bien situés attisent les appétits des promoteurs immobiliers. Pour préserver non seulement l’aérogare, protégée en 1995, mais aussi les pistes, élément essentiel de la topographie aéroportuaire, plusieurs projets sont à l’étude : une cité des sciences et des techniques, un parc d’attractions sur le thème de l’aviation…

À Liverpool, l’aéroport de Speke (1939), progressivement désaffecté depuis le milieu des années quatre-vingt, est le seul ensemble cohérent de cette époque à subsister en Angleterre ; il a, lui aussi, été protégé au titre des monuments historiques depuis 1975, une protection renforcée en 1998.

Tennis et piscine
Une société d’économie mixte, la Garston-Speke Development Company, s’attache à reconvertir les différents éléments de l’aéroport : depuis le début de l’année, le hangar n°1 a mué en centre de loisirs avec tennis et piscine, et le bâtiment du terminal devrait bientôt être transformé en hôtel de luxe et centre de conférences. Au contraire de Liverpool, l’avion n’a pas encore déserté l’aéroport du Bourget, près de Paris : inauguré en 1937 pour l’Exposition internationale, il accueille depuis 1975 le Musée de l’air et de l’espace, tandis qu’Air France utilise les hangars pour l’entretien de ses avions. S’il n’est pas exclu que perdure une activité aéronautique haut de gamme pour de petits appareils, le réaménagement en cours du musée devrait permettre un regard nouveau sur le lieu. Pour Bernard Toulier, responsable scientifique du projet “Europe de l’Air”, “il faut mettre les avions dans les hangars et rendre sa fonction d’origine à l’aérogare, à savoir l’accueil du public, afin d’en proposer une lecture plus authentique”. Car, “la mise en valeur des éléments architecturaux n’a pas été faite”. De façon anecdotique, l’histoire a mieux retenu le nom des concurrents malheureux du concours pour la construction du Bourget, Mallet-Stevens, Pingusson ou Beaudouin et Lods, que celui du lauréat : Georges Labro.

À LIRE : Berlin Tempelhof/Liverpool Speke/Paris Le Bourget, Années 30 Architecture des aéroports, ouvrage trilingue sous la direction de Paul Smith et Bernard Toulier, 128 p., 250 ill. n&b et coul., 150 F, ISBN 2-85822-328-9.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°110 du 8 septembre 2000, avec le titre suivant : Air Europe

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