Fondation Guggenheim, Venise Jusqu’au 9 janvier 2011

Adolph Gottlieb La vérité émotionnelle

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 30 septembre 2010 - 394 mots

Il y a dans les collections du MoMA à New York une peinture d’Adolph Gottlieb intitulée Descending Arrow, datée de 1956, qui est un vrai bijou.

Descending Arrow est simplement composée d’une plage monochrome de couleur terre cuite rose, recouverte en sa partie supérieure d’un blanc laiteux et sur laquelle ont été peints deux imposants signes noirs qui structurent puissamment l’œuvre. Figure discrète de la scène américaine versant expressionnisme abstrait, Adolph Gottlieb (1903-1974) n’en est pas moins un peintre majeur.

Après des études à l’Art Students League de New York, un passage à Paris à la Grande Chaumière puis à la Parson School of Design, toujours à New York, Gottlieb s’est engagé d’emblée sur la voie abstraite telle qu’elle tentait de se développer dans les années 1930 en pleine vague réaliste. Cofondateur du groupe des Ten, il s’est très vite passionné pour l’art des Indiens, se retirant dans le désert de l’Arizona dès 1937 et leur empruntant l’emploi de pigments naturels et du sable dans la composition de grands paysages élémentaires. Sensible à l’automatisme surréaliste, il développe dans les années 1940 toute une série de tableaux intitulés Pictographes aux signes quasi cabalistiques, à connotation figurée mi-animale, mi-minérale.

Membre actif du groupe des expressionnistes abstraits, il échange surtout avec Rothko, tous deux soucieux de défendre l’idée d’une peinture qui ne renvoie qu’à elle-même. « Nous voulons réaffirmer le plan du tableau. Nous sommes pour les formes plates parce qu’elles détruisent l’illusion et révèlent la vérité », écrivent-ils tous deux dans une lettre adressée au New York Times. Avec le temps, l’art de Gottlieb vise une simplicité élémentaire qui le conduit à la production de Paysages imaginaires fortement symbolistes. Réduits à la seule composition d’une boule de feu solaire dominant une bande de terre abstraite, ils sont chargés d’une intensité chromatique qui en dit long de la vision sensible du peintre. Et du rôle assigné à la peinture de communiquer une vérité émotionnelle.

L’exposition rétrospective qu’a choisi de présenter cet automne la Peggy Guggenheim Collection de Venise est à mettre au compte d’une série entamée avec William Baziotes et poursuivie avec Richard Poussette-Dart. Une façon de nous inviter à (re)découvrir une autre face de l’art américain de l’après-guerre trop souvent tenue en marge.

« Adolph Gottlieb : une rétrospective », Peggy Guggenheim Collection, Palazzo Venier dei Leoni, Dorsoduro 701, Venise (Italie), jusqu’au 9 janvier 2011, www.guggenheim.org/venice

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°628 du 1 octobre 2010, avec le titre suivant : Adolph Gottlieb La vérité émotionnelle

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