01 juin. - 07 sep. 2008

Suisse / Bâle - Riehen

Fondation Beyeler

Fernand Léger - Paris-New York

Sans être magistrale, la démonstration bâloise est des plus rafraîchissantes. Mieux, elle est « dépoussiérante » d’une œuvre que les quarante dernières années, si l’on excepte la rétrospective du Centre Pompidou en 1997, ont passablement dénaturée, voyant en elle une peinture avant tout théoricienne faisant l’apologie d’un modernisme tombé en désuétude. « Fernand Léger : Paris-New York », orchestrée par le commissaire Philippe Büttner, remet donc les horloges à l’heure suisse. Elle montre que Léger fait bel et bien partie des poids lourds dont la résonance, formelle sinon dans la démarche, peut être recherchée chez Robert Rauschenberg, Ellsworth Kelly ou Roy Lichtenstein.

Dans Hommage à la danse (1925), toile étonnamment « picabienne », Léger superpose deux jambes découpées à des disques de couleurs. En 1962, lorsqu’il peint les six cercles de couleurs de Winter Sun, Kenneth Noland ne se souvient pas de cette toile de Léger. Pas plus qu’il ne pense aux disques de couleurs peints à la même période par Robert Delaunay, exposés eux aussi à Bâle, au Kunstmuseum, jusqu’au 18 août. Pourtant, Noland connaît bien le travail de Léger, exilé aux États-Unis entre 1940 et 1945. Bénéficiant des GI’s Bill, après la guerre, l’Américain a même effectué un crochet par l’atelier du peintre, en France. À Bâle, la proximité de ces deux œuvres est frappante.

Plus loin dans l’exposition, c’est Rauschenberg qui supporte le rapprochement avec Léger. Certes les dégoulinures de l’Américain ne doivent rien aux formes fermées du Français. Pourtant Gilt (Rauschenberg, 1983) fonctionne parfaitement auprès de La Liseuse, mère et enfant (Léger, 1922), en raison de leur sujet – la femme allongée – et de l’utilisation, par les deux peintres, du « collage » et de la superposition des formes. Même chose lorsque le monumental The Grand Armada de Frank Stella (1989) est placé dans le prolongement visuel de Composition architecturale sur fond bleu (1952) : la magie formelle opère.

Warhol est convoqué dans l’une des salles suivantes, moins pour ses éloges du gros plan que pour son travail sur la notion de série développée, bien avant lui, par Léger. Le couple d’acrobates des Perroquets (1933), par exemple, est repris à l’identique dans La composition aux deux perroquets dont une étude de 1937 est accrochée à Bâle. Comme, d’une certaines manière, les Marilyn et les boîtes de soupe Campbell du New-Yorkais.

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Mais c’est Lichtenstein qui supporte le mieux la juxtaposition, à tel point que le pop artiste dispose à lui seul d’une salle de la fondation. Quand il ne cite pas clairement son prédécesseur (Trompe L’œil with Léger Head and Paintbrush, 1973), Lichtenstein le copie jusqu’à l’hommage (Stepping Out, 1978, cf. ci-contre la couverture de L’œil de juillet-août 2008). Mais pouvait-il rester indifférent au travail de son aîné, sa simplification des formes et son économie de moyen ?

À la sortie de l’exposition, comme un dernier hommage, quatre formes géométriques de couleurs d’Ellsworth Kelly ont été placées dans le prolongement d’une composition aux couleurs libres de Fernand Léger. Il ne sera désormais plus possible de regarder ce dernier sans penser à cette rencontre.
Informations pratiques
FONDATION BEYELER

Baselstrasse, 101
Bâle - Riehen 4125
Suisse

Contact
+41 (061) 645 97 00
SITE WEB
http://www.beyeler.com/

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