Italie - Disparition

Disparition de Jannis Kounellis

Par Carole Blumenfeld · lejournaldesarts.fr

Le 17 février 2017 - 569 mots

ROME (ITALIE) [17.02.17] – L’artiste de l’Arte Povera, d’origine grecque, est décédé hier à l’âge de 80 ans. Star de l’art contemporain, il plonge ses racines dans l’art ancien. Jusqu’au bout il n’a cessé de produire.

Jannis Kounellis vient de s’éteindre des suites des complications d’une bronchite pulmonaire à l’âge de 80 ans. S’il avait fait l’Italie sienne, il était pourtant né au Pirée en mars 1936 et n’arriva à Rome qu’à l’âge de 20 ans.

Son histoire personnelle est profondément liée à l’Arte Povera dont il a été l’un des plus grands représentants avec Alighiero Boetti, Luciano Fabro, Giovanni Anselmo, Mario Merz, Pino Pascali. Se définissant lui-même comme un peintre, il insistait souvent pour dire que ce que Germano Celant avait défini en 1967 comme Arte Povera n’était pas né d’une déclaration ou d’un manifeste porté par ce groupe d’artistes, mais plutôt de leur désir commun de « sortir du cadre du tableau ».

Selon l’historienne de l’art Valérie Da Costa, spécialiste de l’art italien de la seconde moitié du XXe siècle : « Ses œuvres de la fin des années 1960 en feu, coton ou encore réalisées avec des animaux vivants (perroquets, chevaux), présentées notamment à la galerie L’Attico de Fabio Sargentini (Rome) restent emblématiques d’une réflexion renouvelée sur les matériaux et l’espace d’exposition. »

S’il fut évidemment influencé par Alberto Burri et Lucio Fontana, il citait plus souvent Masaccio ou les auteurs classiques. En réalité, comme l’a dit ce matin au Journal des Arts, un des amis les plus intimes de Michelle et Jannis Kounellis, l’artiste Alfredo Pirri : « Pour Gianni, ce qui est extraordinaire, c’est que la culture n’était pas quelque chose à prendre dans les livres ou les musées, il n’y avait pas pour lui de différence entre culture et réalité, elles formaient une unité. » Il poursuit en expliquant sa stupeur lorsque lors d’une de leurs conversations informelles, Kounellis a comparé une entaille de Fontana avec la blessure du Christ par l’un des soldats qu’évoque l’évangile de Jean que personne n’avait jamais soulevé. « Il parlait rarement de lui, mais il disait toujours "nous". Il y avait chez lui ce sentiment assez singulier d’appartenir à une communauté. »

Au cours des dernières années, Kounellis, classé 62e dans l’Artindex Monde du Journal des Arts, a multiplié les expositions en Europe – la Monnaie de Paris l’a accueilli au printemps dernier –, mais aussi, en Russie, au Mexique, en Chine où il créait à chaque fois de nouvelles œuvres in situ mais il considérait chaque nouvelle exposition comme un tout. « Gianni Kounellis, explique Pirri, était porté par le besoin de produire mais surtout de partager. C’est comme cela qu’il faut interpréter cette façon de voyager sans cesse et non comme une fuite. Il n’avait que faire de la critique ou des contingences du marché de l’art. » On lui reprochait souvent de « réactiver » ou de reprendre des œuvres anciennes. Son œuvre emblématique des Douze chevaux présentée à l’Attico chez Fabrio Sargentini en 1969, fut ainsi à nouveau montrée, entre autres choses, en 2002 à la Whitechapel à Londres, au Museo d’Arte contemporaneo Donna Regina à Naples en 2006 ou encore chez Gavin Brown’s à New York à l’automne dernier, mais elle ne pourra plus l’être maintenant qu’il a disparu.

Il faut d’ailleurs espérer que Michelle Kounellis, gardienne du temple, parviendra à faire respecter son œuvre, ce qui risque d’être particulièrement délicat.

Légendes photos

Claudio Abate, Jannis Kounellis Candela (bougie), 1989 - Photo courtesy Claudio Abate, Rome

Deux des dernières oeuvres de Jannis Kounellis présentées lors de la Fiac en octobre 2016 sur le stand de la galerie Gavin Brown's Enterprise © photo Ludosane

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