Brésil - Société

Des œuvres saisies à des anciens patrons de Petrobras exposées au public

Par Julie Paulais · lejournaldesarts.fr

Le 4 mai 2015 - 832 mots

CURITIBA (BRESIL) [04.05.15] – 48 des 203 œuvres saisies à des anciens dirigeants du groupe pétrolier Petrobras, impliqués dans l’affaire de corruption qui secoue le Brésil depuis deux ans, sont exposées au Musée Oscar Niemeyer.

Depuis plus d’un an, les rebondissements dans le scandale politico-financier le plus important de l’histoire du Brésil n’en finissent pas. Le mois dernier, 131 œuvres accrochées aux murs de la villa de Renato Duque, ancien directeur des services chez Petrobras ont été saisies et confiées au Musée Oscar Niemeyer (MON) de Curitiba. L’année dernière, deux autres lots d’œuvres appartenant à des personnes impliquées dans le scandale de corruption, avaient également été donnés au musée. Depuis le 14 avril, «  Œuvres sous la garde du MON » dévoile 48 de ces 203 œuvres saisies.

Pour revenir sur l’affaire Petrobras, tout a commencé en 2008, lorsqu’Hermes Magnus, patron de magasin de composants électroniques, avertit les autorités judiciaires de l’existence d’un système de surfacturation. En 2013, les enquêteurs se rendent compte que le propriétaire d’une station-service, connu des services de police, utilise l’enseigne pour blanchir de l’argent. L’affaire, baptisée « Lava Jato » (lavage de voitures), va permettre de révéler un réseau menant à l’entreprise pétrolière Petrobras. A partir d’un homme suspecté d’être au cœur du réseau, les enquêteurs remontent à Paulo Roberto Costa, ancien directeur de Petrobras, et l’arrêtent le 20 mars 2014. Paulo Roberto Costa devient alors le témoin-clé de la justice et permet d’exposer l’ampleur de la corruption, qui touche à la fois Petrobras, contrôlé par l’Etat, les géants brésiliens du BTP, et une partie de la classe politique brésilienne. Dès la fin des années 1990, les dirigeants de Petrobras et les entreprises du BTP auraient formé un cartel pour se partager des marchés et pour les surfacturer. En contrepartie, des pots-de-vin étaient versés à des personnalités politiques, en majorité des parlementaires, députés ou sénateurs de la coalition au pouvoir. Ces commissions avaient pour principal objectif de financer des campagnes électorales et de s’assurer qu'aucune mesure ne soit prise à l’encontre des activités de l'organisation délictueuse.

Une cinquantaine de responsables, essentiellement issus du Parti des travailleurs auquel appartiennent la présidente Dilma Rousseff et l’ancien président Lula, sont accusés d’avoir profité de ce vaste système de corruption, ainsi que des membres du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre), et du Parti progressiste (PP, droite). Depuis ces révélations, la chef de l’État est sur la sellette, et les appels à la démission se sont multipliés lors des manifestations de mars et avril qui ont réunis plusieurs millions de brésiliens. Une bonne partie de l’opinion estime qu’elle ne pouvait pas ne pas être au courant de ce système de corruption, puisqu’elle était au moment des faits ministre de l’Energie, ministère de tutelle de Petrobras, puis chef de cabinet du président Lula.

Au cours de l’enquête de la police fédérale brésilienne, des œuvres d’art ont été saisies chez plusieurs ex-dirigeants et hommes d’affaires interpellés. Renato Duque a été arrêté lundi 16 mars, et 131 œuvres d'art trouvées à son domicile ont été saisies par la police, de même que huit œuvres appartenant à l’homme d'affaires Adir Assad, également arrêté dans le cadre de l'opération « Lava Jato ». L’ensemble comprend des peintures de Joan Miró et d’artistes brésiliens comme Djanira, Alberto da Veiga Guignard, et Heitor dos Prazeres. Le Musée Oscar Niemeyer avait déjà reçu en 2014 64 œuvres, y compris des pièces de Salvador Dalí, Vik Muniz, Sergio Sister, Di Cavalcanti, Cicero Dias, Iberê Camargo, Aldemir Martins, Claudio Tozzi, Daniel Senise, Amilcar de Castro et Carlos Vergara. Au total, 203 pièces ont été confiées au musée en attendant la décision définitive de la Cour fédérale.

Depuis le 14 avril et jusqu’au 12 juillet, 48 œuvres d’art sont exposées au public, qui peut venir les admirer pour 1,5 euros. Ainsi, selon la directrice du Musée Oscar Niemeyer, Juliana Vosnika, « le musée remplit sa mission non seulement de préserver et d’abriter des collections d'art mais aussi de démocratiser l'accès aux visiteurs ». Le Musée Oscar Niemeyer est un espace dédié à l'exposition des arts visuels, de l'architecture, de l'urbanisme et du design. Avec ses 35 000 m² de bâtiment, pour plus de 17 000 m² de surface d'exposition, c’est le plus grand musée en Amérique latine. Il a été conçu par Oscar Niemeyer dès 1967, ouvert en 1978 puis agrandi et inauguré en 2002.

Quant à l’empire Petrobras, l’un des principaux moteurs de l’économie brésilienne, il est aujourd’hui au bord du gouffre. Après la démission contrainte de sa PDG, Maria das Graças Foster, le géant de l’énergie a annoncé six milliards d’euros de pertes en 2014, dont deux milliards directement liés à la corruption. Pour calculer ses pertes de patrimoine causées par la corruption en son sein, la compagnie a estimé un surcoût de 3 % sur des contrats passés avec vingt-sept entreprises sous-traitantes regroupées au sein du cartel illicite. Plusieurs sous-traitants de Petrobras sont au bord de la faillite et le coût social du scandale n’est pas encore définitivement établi.

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L'Oscar Niemeyer Museum à Curitiba au Brésil © Photo Mario Roberto Duran Ortiz - 2007

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