Des employés du ministère de la Culture italien accusés d’avoir acquis un faux Michel-Ange

Par Chloé Da Fonseca · lejournaldesarts.fr

Le 21 février 2012 - 432 mots

ROME (ITALIE) [21.02.12] – En 2008, l’État italien se targuait d’avoir acquis à prix d’aubaine un christ crucifié réalisé par Michel-Ange à la fin du XVe siècle. Mais l’authenticité de l’attribution est contestée et les fonctionnaires du ministère de la Culture responsables de l’acquisition sont accusés d’avoir acheté à prix d’or une sculpture qui vaut à peine 1/5e du montant déboursé. Le procès doit débuter le 10 mai 2012. PAR CHLOÉ DA FONSECA

En 2004, l’antiquaire Giancarlo Gallino exposait au Musée Horne de Florence un christ crucifié en bois polychrome de 41,3 cm de haut qu’il attribuait à Michel-Ange. Datée de 1494-1495, la sculpture aurait été réalisée lorsque l’artiste avait 20 ans, invoquant notamment des similitudes avec la Pietà du Vatican. La « découverte » de cette œuvre avait fait grand bruit en Italie. Le président Giorgio Napolitano déclarait à l’époque qu’ « il s’agit d’une œuvre d’une beauté suprême », et le pape Benoît XVI la qualifiait de « chef-d’œuvre ».

Le directeur général des Biens culturels de l’époque, Roberto Cecchi, avait acquis l’œuvre au nom de l’État pour 3,2 millions d’euros au lieu des 18 millions demandés par Giancarlo Gallino, estimant avoir fait une bonne affaire. Mais certains spécialistes de l’art italien doutaient déjà de l’attribution au maître de la chapelle Sixtine. Selon Mina Gregori sur ABC.es, l’une des meilleurs experts mondiaux sur Michel-Ange, « l’œuvre date du XVe siècle mais elle n’a pas les caractéristiques qui peuvent permettre de l’attribuer à Michel-Ange », cette pièce « n’a ni le style ni la qualité » du maître. La controverse éclate réellement à la suite d’un article du New York Times en 2009 qui soulevait des questions quant à l’authenticité de l’œuvre.

Au moment de l’acquisition, Roberto Cecchi n’avait mené aucune enquête sérieuse. On découvre aujourd’hui que la sculpture a été achetée 10 000 euros aux États-Unis. Si le crucifix était réellement l’œuvre de Michel-Ange, il vaudrait au moins 80 à 100 millions d’euros.

Après des recherches approfondies, la Cour des comptes estime la valeur de l’œuvre à 700 000 euros maximum, bien en-deçà des 3,2 millions déboursés par l’État italien. La cour tient donc pour responsables Roberto Cecchi, ancien directeur général des Biens culturels et quatre autres membres du Comité ministériel de l’époque, de l’achat inconsidéré qu’ils ont réalisé au nom de l’État italien. Roberto Cecchi nie sa responsabilité dans cette affaire : « En 2008, la Cour des comptes a légitimé l’acquisition ».

Le 10 mai 2012, la procédure judiciaire débutera à la section juridictionnelle du Latium (Rome). Le christ crucifié, dont l’attribution n’est toujours pas déterminée mais qui serait très probablement issu d’une production en série, devait être exposé au Musée national de Florence, il est actuellement enfermé dans un entrepôt.

Légende photo

Le crucifix dont l'attribution à Michel-Ange est aujourd'hui contestée, ici exposé à Naples - © photo Adam91 - 2009 - Licence CC BY-SA 3.0 

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