Disparition

Décès du chef de file des sculpteurs non conformistes soviétiques

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 11 août 2016 - 479 mots

NEW YORK (ÉTATS-UNIS) [11.08.16] – Le sculpteur soviétique Ernst Neïzvestny s’est éteint le 9 août à l’âge de 91 ans, dans une clinique de New York, où il résidait depuis la fin des années 1970. Connu pour ses sculptures monumentales de style expressionniste, il était l’un des plus célèbres représentants du courant non conformiste.

Ernst Neïzvestny porte bien mal son nom, qui signifie en russe « inconnu ». Encore mineur, il s’engage comme volontaire chez les parachutistes durant la Seconde Guerre mondiale. Grièvement blessé durant la bataille de Vienne en 1945 et en état de mort clinique, il reçoit une prestigieuse décoration militaire « post mortem », avant de guérir miraculeusement. Il s’engage alors dans la voie artistique en étudiant d’abord à l’Académie d’art de Riga, puis à l’Ecole de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou et enfin au département de philosophie de l’université d’Etat de Moscou.

Son heure de gloire survient en 1962 lors d’une exposition d’artistes avant-gardistes rendue célèbre par les violentes critiques proférées par le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev. Objet principal de la critique du tout-puissant secrétaire général, Neïzvestny s’entend dire que son travail est de « l’art dégénéré ». Khrouchtchev lui demande « Pourquoi amochez-vous les citoyens soviétiques ? » Tandis que les autres artistes sont tétanisés par la peur, Neïzvestny rétorque qu’il a le droit d’avoir sa propre vision du monde qui l’entoure et perd toute possibilité de gagner sa vie en tant qu’artiste. Pourtant, la famille Khrouchtchev commandera à Neïzvestny une statue pour la sépulture du dirigeant soviétique.

Frustré, il parvient à émigrer en 1976 vers la Suisse, puis se fixe aux Etats-Unis l’année suivante. Parmi les artistes soviétiques en exil, il est considéré comme celui qui a le mieux réussi, même si ses œuvres restent liées à son pays d’origine. Après la disparition de l’URSS, il est fréquemment revenu travailler en Russie, créant le Masque de la tristesse en hommage aux victimes du stalinisme, un monument dédié aux mineurs du Kouzbass et L’Arbre de la vie à Moscou ou encore une sculpture de Serge Diaghilev à Perm.

Ses œuvres font partie des collections de musées parmi les plus réputés du monde (MoMA à New York, Musée d’art moderne à Paris, au Musée russe de Saint-Pétersbourg, la Galerie Tretiakov à Moscou, ainsi que dans celles des musées d’art moderne d’Oslo, de Stockholm et de Tel Aviv, entre autres. En 1987, un musée dédié à son œuvre ouvre à Uttersberg (Suède). Sa ville natale, Ekaterinbourg, emboîte le pas avec un second musée personnel en 2013. Neïzvestny a compté parmi ses collectionneurs des personnalités telles que Pablo Picasso, Fidel Castro, la famille Khrouchtchev, Jean-Paul Sartre, Edgar Faure, François Mitterrand, Eltsine, Kofi Annan ou encore Jean-Paul II.

Le ministre de la Culture russe s’est fendu d’un bref communiqué laconique. Mercredi, les proches de l’artistes n’avaient pas encore annoncé le lieu et la date de l’enterrement.

Légende photo

Ernst Iosifovich Neizvestny lors de sa remise de l'Ordre de l'honneur en 2000 © Photo Presidential Press and Information Office - 2008 - Licence CC BY-SA 3.0

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