Décès d’Ilia Glazounov, le peintre préféré de Poutine

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 11 juillet 2017 - 522 mots

MOSCOU (RUSSIE) [11.07.17] - Ilia Glazounov est décédé à Moscou dimanche à l’âge de 87 ans, ont annoncé ses proches lundi. Il avait connu le succès avec ses grandes toiles figuratives nationalistes qui l’ont rendu très populaire au Kremlin.

Peintre, graphiste, auteur de livres illustrés, enseignant et créateur de décors pour le théâtre, Ilia Glazounov est surtout connu pour ses toiles monumentales représentant le destin tragique de la Russie. Très apprécié au Kremlin depuis une quinzaine d’années, l’artiste a reçu les plus hautes distinctions accessibles aux artistes. Vladimir Poutine a présenté ses condoléances à la famille et aux proches de l’artiste, qui était lié au président « par de longues années de relations amicales », note le service de presse du Kremlin. Durant la campagne présidentielle de 2012, Glazounov avait activement fait campagne pour Vladimir Poutine.

Né à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), il a survécu au blocus de la ville par les troupes nazies, durant lequel ses parents ont péri. Après avoir étudié les beaux-arts à l’institut Repine de Saint-Pétersbourg, il a rejoint Moscou. Presque toute sa carrière artistique s’est en revanche déroulée à Moscou.

Son succès au Kremlin fait oublier qu’il n’a pas toujours été en odeur de sainteté. Bien qu’il ait longtemps peint dans le style réalisme socialiste, ses thèmes n’ont pas eu toujours l’heur de plaire aux autorités. Ainsi, son tableau Routes de la guerre (1957) représentant la déroute de l’armée rouge en 1941 a été interdit en 1977 parce que « contraire à l’idéologie soviétique ». Ce qui ne l’a pas empêché, trois ans plus tard, d’être élevé au rang « d’artiste du peuple ». Il est aussi connu pour des peintures érotiques qui s’échangeaient sous le manteau à l’époque soviétique, et qu’il renie depuis. À partir des années 60, son oeuvre commence à comporter des éléments religieux, mystiques et la thématique nationaliste devient dominante. C’était à l’époque relativement risqué, mais Glazounov parvient à échapper aux problèmes et vit confortablement de l’enseignement.

À la chute du régime soviétique, il étale ses opinions politiques (monarchiste, ultra conservateur) sur d’immenses toiles vomissant le monde moderne et la dépravation de la société russe contemporaine. La consécration intervient dans les années 2000, lorsque ses oeuvres épousent la nouvelle idéologie dominante apportée au Kremlin par Vladimir Poutine. Son record de vente remonte à 2007, lorsque sa toile Vue du Kremlin et de la Place rouge (1987) atteint 60 000 dollars chez Christie’s.

Il reçoit en 2004 des autorités une demeure princière située en face du Musée Pouchkine des Beaux-Arts. Baptisée Galerie d’Etat Ilia Glazounov, elle n’attire guère les foules, mais Vladimir Poutine lui a plusieurs fois rendu visite. Lors de l’une d’entre elles, restée célèbre, le président s’étant plaint qu’un glaive représenté trop court à son goût, l’artiste lui promet sur-le-champ qu’il le rallongerait sans faute, ce qui a suscité une cascade de plaisanteries.

Son succès auprès des autorités actuelles contraste avec sa réception dans la sphère culturelle, où il est souvent raillé comme apôtre du kitsch. Son œuvre divise profondément et il n’est pas dit que ses tableaux traverseront un jour la rue Volkhonka pour rejoindre la très respectée collection du musée Pouchkine.

Information
Le site internet d'Ilya Glazounov

Légendes Photos :
- Le Premier ministre Vladimir Poutine rend visite à l'artiste Ilia Glazunov au sein de sa galerie à l'occasion de son 79e anniversaire © Photo Gouvernement russe - 10 juin 2009.
- Ilia Glazounov (1930-2017), La grande expérience, 1990, 297 x 598 cm, huile sur toile

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque