Décès de Théo Tobiasse

Par Lucile Pages · lejournaldesarts.fr

Le 6 novembre 2012 - 607 mots

SAINT-PAUL DE VENCE [06.11.12] – L’artiste Théo Tobiasse est décédé samedi 3 novembre à Saint-Paul de Vence à l’âge de 85 ans.

Né en Israël, Théo Tobiasse quitte très tôt son pays natal pour la Lituanie. Mais là encore, sous la menace incessante des pogroms, la famille Tobiasse fuit et décide de s’installer définitivement à Paris en 1931. Il y passe une enfance relativement calme, surtout empreinte d’une grande nostalgie familiale de la Lituanie. Mais à l’arrivée des allemands dans la capitale, la famille, par manque de moyens, renonce à l’exode et s’enferme dans un petit appartement, qu’elle ne quitte que quatre ans plus tard, à la libération de Paris. De 1940 à 1944, l’univers de Théo se limite aux quatre murs du cocon familial, une période sombre de sa vie qu’il appellera plus tard « la nuit pendant quatre ans ». Mais c’est aussi une période féconde pour la future carrière de l’artiste, qui emploie son temps à la lecture assidue des grands classiques et de la mythologie et au dessin. Il se forge alors un répertoire visuel riche qui lui est propre.

La fuite, la famille, la lumière (dont il manque cruellement lors des quatre années de réclusion qu’il subit, et qui devient petit à petit une obsession) deviennent des thèmes centraux de sa création. Plus tard, il les synthétise en trois piliers majeurs de son œuvre : la Bible, la femme et l’exil.

En 1944, muni de ses dessins, il trouve son premier emploi chez l’imprimeur d’art Draeger, où il découvre et apprend toutes les techniques d’imprimerie. Il devient ensuite graphiste, et déménage à Nice en 1950, en gardant le rêve de devenir peintre un jour.

Pendant une courte période il cumule graphisme et peinture, mais sa participation à l’exposition des jeunes peintres au Palais de la méditerranée en 1961, durant laquelle il reçoit le prix de la jeune peinture, lui fait définitivement quitter son activité professionnelle. Il attire rapidement l’attention des galeries et collectionneurs, si bien qu’Armand Drouant l’expose à Paris cette même année.

En 1962, en visite au Rijksmuseum d'Amsterdam, il découvre La Fiancée juive de Rembrandt. Dès son retour à l’atelier, il s’essaye aux techniques du maître qu’il a observées attentivement. Rembrandt lui aura tout appris, « mon école des Beaux-arts c’est Rembrandt » a-t-il un jour expliqué. Cette passion pour la matière et son expérience en imprimerie et en graphisme le rend touche-à-tout. Il emploie alors presque simultanément la peinture, l’estampe, le dessin, la sculpture, la céramique ou encore le vitrail comme support d’expression. Mais si les matériaux changent, le discours reste constant, grâce à l’incroyable vocabulaire graphique que l’artiste se forge durant sa jeunesse. Et si Tobiasse parle de « vocabulaire », ce n’est pas un hasard. Les mots ont toujours été pour lui une source première de création. Alors il note, des idées, des poèmes, des « fantasmes », dans des carnets qu’il conserve précieusement dans son atelier ; son inspiration passe avant tout par l’écrit.

Sa production est florissante et dépasse les limites de l’atelier. Il investit entièrement la Chapelle Saint-Sauveur au Cannet, de fresques, vitraux et mosaïques, une œuvre monumentale qu’il intitule Jour de fête. Il crée sept grands vitraux pour le Centre Communautaire juif de Strasbourg, décore l'entrée du Palais Acropolis, à Nice sur le thème de la liberté, réalise une sculpture en bronze, L’Enfant fou, pour l’aéroport de Nice et consacre une partie de sa carrière à la poterie.

Durant sa carrière il est exposé à Paris, Genève, Montréal, Tokyo et New York et fait l’objet de nombreuses monographies et documentaires vidéo.

Il décède à Saint-Paul de Vence, où il s’était installé depuis 1976.

Légende photo

Façade de la Synagogue de Nice dont les vitraux furent réalisés par Théo Tobiasse en 1993 - © Photo lhourahane - 2007 - Licence CC BY 2.0 

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque