Art contemporain

Daniel Buren initie Singapour au nouveau cirque

Par Marion Zipfel (Correspondante à Singapour) · lejournaldesarts.fr

Le 11 septembre 2015 - 837 mots

SINGAPOUR [11.09.15] - C’est au plein cœur de Singapour, au milieu des tours et shophouses, les maisons traditionnelles de la cité-Etat, que Daniel Buren a planté ses trois cabanons pour présenter son Buren Cirque.

Cela fait plus de 15 ans que l’artiste français collabore avec Dan et Fabien Demuynck, les pionniers du nouveau cirque. Au départ, Daniel Buren a commencé à travailler sur un chapiteau en région parisienne. « Les artistes donnaient l’idée d’une mise en scène, d’un décor, explique l’artiste français, et moi je transformais le cirque, je leur fournissais des dispositifs ». C’est ainsi que Daniel Buren a proposé un système avec 70 mâts pour enclore le chapiteau existant ou de découper la piste en quatre parties à l’aide de miroirs. « C’est une occasion de faire des choses inhabituelles, de déployer des jeux sur l’espace et cela me force à me renouveler aussi » explique l’artiste de 77 ans.

Il y a 3 ans, c’est Daniel Buren qui propose l’idée de faire des spectacles « dispersés » dans des villes ou des villages d’où l’idée de construire des petits cabanons qui ont donné le nom du spectacle. « Cabanons, c’est une expérimentation, c’est un cirque de poche en quelque sorte puisqu’il y a une très grande piste et que les spectateurs sont très proches des artistes » explique Daniel Buren.

Le spectacle se joue dans plusieurs villes de France à partir de 2013 et de la place Longueville d’Amiens au cœur de Singapour, il n’y a qu’un pas. Au festival du cirque de Auch, Ong Keng Seng le directeur du Singapore International Festival of Arts (SIFA) découvre le Buren Cirque. « J’ai été immédiatement séduit par la magie de ce cirque à la fois contemporain et très romantique explique Ong Keng Seng. C’est un cirque conceptuel un cirque minimaliste mais très artistique ». Il décide alors d’inviter la troupe pour le festival. « Il y a eu peu de spectacle de cirque présenté à Singapour à part les grandes troupes comme le Cirque du Soleil, on va montrer autre chose, une autre approche du cirque » explique le directeur du festival.

Si en France, ce sont les acrobates qui passent de cabanons en cabanons à Singapour, ce sont les spectateurs qui changent de lieux à l’issue d’un numéro d’une vingtaine de minutes. « A Singapour, il y a eu la volonté de faire découvrir les trois ambiances des cabanons » explique Daniel Buren. Dans le premier cabanon, le spectateur est plongé d’emblée dans l’univers de Daniel Buren puisque les deux acrobates composent leur numéro autour de grandes structures composées de lattes de 8,7 cm, la signature de l’artiste français. A la fin du spectacle un monsieur Loyal vient donner quelques clés sur la vie de Daniel Buren, évoquant Montmartre, le marché Saint-Pierre, la fameuse toile de store et son alternance de bandes blanches et colorées verticales de 8,7 cm de largeur. Le tout en anglais avec un accent français volontairement prononcé pour faire rire le public. Changement de décors dans le deuxième chapiteau. Sur fond de musique africaine, la funambule Tatiana Mosto Bongonga, enchaîne, sans filet, grands écarts et poiriers sans jamais se départir de son large sourire. Le public retient son souffle ne sachant trop s’il doit applaudir ou non après les prouesses de l’acrobate. Puis de cette ambiance chaleureuse, le spectateur se rend ensuite dans la dernière tente. Des panneaux miroirs tombent sur la piste tandis que l’argentin Juan Tula fait son numéro dans la roue Cyr avant de céder la place à Gloria Villencio qui réalise sa performance de tissus aérien dans un tube de moustiquaire, matière chère à Daniel Buren qu’il a découvert en Afrique. « J’ai bien aimé explique Andrew, 57 ans. Je ne suis jamais allé au cirque donc je n’avais aucune attente ».

Le public semble interpellé par cet anti-cirque, sans animaux, sans artifice, sans grand émoi acrobatique non plus. Dans la presse on vante le caractère artistique, intime, magique et la proximité entre spectateurs et acrobates. « Le gouvernement essaie de faire croire que le public ici n’est pas prêt, n’est pas assez mature pour apprécier différentes formes d’art explique Ong Keng Seng. Ce n’est pas vrai, le public est là et c’est la raison pour laquelle nous voulons toujours aller plus loin ».

Au-delà de Daniel Buren, la France sera également à l’honneur à SIFA avec la représentation de « Six personnages en quête d’auteur » de Pirandello dans la mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota, créée au théâtre de la Ville. Une pièce qui sera jouée en français. « Les Singapouriens n’ont pas souvent l’occasion d’entendre la langue française » constate Ong Keng Seng. Depuis l’année dernière et pour la première fois depuis 37 ans, le SIFA, l’un des plus importants festivals de Singapour, est dirigé non pas par un fonctionnaire mais par un membre de la communauté artistique et est considéré comme un festival indépendant. Indépendant mais fortement soutenu par le gouvernement puisque pour l’édition 2015, 80 % des ressources proviennent des subventions publiques.

Légende photo

Une roue de Cyr au Cirque du Soleil en 2012 à Istanbul, Turquie © Photo Nevit Dilmen - Licence CC BY-SA 3.0

Thématiques

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque