Sculpture

Urbanisme

Une sculpture d’habitation

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 26 novembre 2013 - 781 mots

L’immeuble de logements de l’agence Maast s’impose comme la nouvelle figure de proue d’un îlot de 5 ha dans le 19e arrondissement parisien.

PARIS - Le 19e arrondissement de Paris baptisé également arrondissement des Buttes-Chaumont est associé au large parc que bordent de fiers alignements haussmanniens. Plus à l’Est, le secteur est pour le moins hétéroclite, fait d’une succession de barres et de tours d’habitations. Parmi les plus imposantes : la cité Michelet construite à la place d’anciens gazomètres, les orgues de Flandres datant des années 1970 et aussi la sculpturale tour Tectône, livrée en 1996. Avec un taux de 35,5 %, la zone concentre le plus fort taux de logements sociaux de la capitale et elle occupe la quatrième place en termes de densité de population. Alors que la politique du logement de la ville tend à densifier un Paris déjà au bord de l’asphyxie, la restructuration d’un terrain délimité par l’avenue de Flandres, les rues du Maroc, Riquet et de Tanger crée l’heureuse surprise d’aller dans le sens inverse.

Dans le cadre de la transformation de ce site de 5 hectares qu’il s’agissait de désenclaver, une aride tour de 90 logements a été démolie afin d’ouvrir le cœur de l’îlot à l’espace public grâce à l’aménagement d’un parc et de traversées piétonnes. Sur une parcelle plus petite que l’emprise occupée par l’ancienne tour, il fallait quand même parvenir à caser 46 logements. À l’issue d’un concours lancé en 2008, le projet initié par Paris-Habitat OPH a été confié à l’agence Maast Architectes dirigée par Isabelle Manescau et François Marzelle. Peu enclin à la médiatisation à tout prix, le duo se fait discret pour mieux se consacrer à l’ouvrage. « Dès le départ, ce qui nous intéressait c’était d’imaginer un bâtiment qui soit l’entrée du futur jardin et qui, n’étant mitoyen que sur sa partie Ouest, puisse présenter trois façades principales. » Cette idée étant posée, la conception de l’édifice est partie de l’intérieur : « Nous avons cherché à proposer le plus de typologies différentes et à obtenir un maximum de lumière avec des séjours placés aux angles et des orientations multiples lorsque cela était possible. »

Une ossature en bois voilée d’aluminium
Il en résulte une élégante bâtisse aux façades inclinées et courbes qui lui donnent sa forme si particulière, laquelle se resserre en partie haute. Cette volumétrie a été rendue possible grâce à la construction d’une structure porteuse en béton placée en cœur de l’édifice. Cette dernière supporte planchers et circulations verticales. Aussi les parois extérieures sont-elles comme un simple manteau protecteur du volume. Durant plusieurs mois, le chantier chargé de promesses, offrait l’étonnant spectacle d’un squelette fait de lames de bois courbées. La finalisation du bâtiment est à la hauteur des promesses. Avec son habillage continu de métal gris, la construction est monolithique, mais les architectes ont su lui apporter de l’épaisseur avec de multiples détails : « On retrouve l’idée de toiture à la parisienne, notamment avec la construction de cadres de bois semblant comme des casquettes. Répartis sur les deux derniers niveaux, ceux-ci rappellent les fenêtres en chien-assis. » À l’intérieur, les logements correspondants évoquent les combles classiques, la grandeur d’espace en plus. Le rythme de façade renvoie à la typologie haussmannienne avec son soubassement, ici en métal déployé, sa partie noble avec ses cadres de fenêtres en relief, et sa toiture. En parfait accord avec la sophistication du bâti, l’habillage d’aluminium clair vire nettement du gris au blanc sous la lumière. Les claustras des loggias et garde-corps, faits d’une double peau de verre dans laquelle a été glissée une feuille de papier blanc, apportent une matérialité évanescente et particulière à l’ensemble que ne donnerait pas un verre dépoli.
Quant à la façade Est accompagnant l’entrée dans le jardin, elle offre de multiples interprétations : traitée comme une coupe à travers le bâtiment, elle laisse apparaître les huit niveaux de l’habitation, rappelant en cela les maisons de poupée pour enfants ou une page de bandes dessinées où les cases seraient une tranche d’histoire de la vie des habitants. Dans une version animalière, elle semble le ventre d’un gigantesque scarabée d’aluminium. Aimable avec ses deux voisins, la construction dialogue aussi bien avec l’haussmannien mitoyen auquel il s’accroche par un large joint creux qu’avec la tour Tectône qui lui est distante de quelques mètres et à laquelle il répond par un savant jeu de brisures horizontales et verticales, mais moins accentuées.

Dans ce 19e arrondissement, Paris-Habitat OPH fait à nouveau preuve de sa volonté à faire œuvrer de brillants architectes sur le programme de logements et à offrir à la capitale parmi les plus belles pièces d’architecture en la matière. Ici l’innovation est de mise, ce qu’offre bien plus rarement le secteur privé.

Fiche technique

Maître d’ouvrage : Paris-Habitat OPH
Maître d’œuvre : Maast architectes, Isabelle
Superficie : 3 610 m2 SHON
Livraison : décembre 2012

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Une sculpture d’habitation

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