Art minimal

Trilogie new-yorkaise

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 25 février 2014 - 717 mots

Le Musée d’art moderne de Saint-Étienne place New York au cœur de trois expositions, en confrontant différentes figures d’artistes de la scène contemporaine.

SAINT-ETIENNE - Le Musée d’art moderne Saint-Étienne Métropole se met cette saison à l’heure new-yorkaise, avec une proposition mélangeant plusieurs générations de créateurs mis en scène par Lorand Hegyi, le directeur des lieux. Une exposition réservée aux plus jeunes (au nombre de dix), faisant son lit de formes déjà un peu usées dans la création américaine contemporaine, saturée par les formes colorées ou les motifs envahissants, ne restera probablement pas dans les annales. S’en distingue toutefois un intéressant dialogue entre Allison Hawkins et Matt Bollinger, aux remarquables aquarelles et dessins à la mine portés par de sombres visions.

En position centrale, tant dans les espaces du musée que du programme, se détachent les figures de Joel Shapiro et Peter Halley, deux artistes aux modes d’expression fort différents, et pas seulement du fait que l’un est sculpteur et l’autre peintre. Ce qui les relie en revanche tient dans le fait d’appartenir à une même génération (le premier est né en 1941 et le second en 1953) qui s’est formée à une époque où l’influence du Minimalisme triomphant a fortement pesé tant sur leur bagage esthétique que sur leur manière de penser et de regarder le monde. Ce que ne manque de démontrer l’ensemble de leur œuvre, y compris actuel. C’est néanmoins un regard non pas défiant, mais à tout le moins distancié, que portent les deux artistes sur leurs glorieux aînés. Car si l’emprise d’un langage sobre et géométrique est toujours présente dans le travail – pour ne pas dire essentielle –, s’ajoute à leur réflexion des contingences anthropologiques et socioculturelles notamment, desquelles les artistes minimalistes des années 1960 et 1970 s’étaient complètement détournées.

Shapiro et l’art minimal
Ainsi Joel Shapiro fait-il entrer dans son œuvre des références directes et limpides au corps et à l’architecture. La plus grande salle du musée accueille deux sculptures monumentales récentes en bronze, initialement exécutées en bois, avant d’être moulées puis détruites, qui déjà rompent avec le « léché minimal » en ce qu’elles retranscrivent les irrégularités de la surface du matériau initial. Très dynamiques dans l’agencement de leurs différentes parties semblables à de lourds madriers, elles imposent en outre une dimension corporelle où une certaine fragilité, malgré la masse, semble faire s’approcher de la dislocation. Dans une autre salle, une installation à la fois forte et délicate rassemblant de petites maisons confectionnées en plâtre ou en fonte semblable à du bois brûlé – celles-là partiellement détruites – fait là encore entrer l’humain dans le champ de la sculpture, entre désir de protection et fragilité du réel. Entrevoir non loin de là Donald Judd et Carl Andre, dans les espaces dévolus à la collection, atteste bien à la fois de la filiation et de la prise de distance avec les artistes minimalistes.

60 tableaux de Peter Halley
Autre morceau de choix, la réunion d’une soixantaine de tableaux de Peter Halley exécutés dans les années 2000. Voilà bien longtemps qu’était attendu dans l’Hexagone un regroupement d’ampleur de ses peintures inscrites dans une réflexion sur l’urbanité, les modes d’habitat, les structures industrielles ainsi que les réseaux de circulation qui y croissent. Rythmées par le fait qu’elles sont le plus souvent composées de plusieurs toiles assemblées, les œuvres de Halley le sont aussi par un usage immodéré, mais toujours bien vu, de la couleur et la diversité des surfaces matérialisant la variété des formes rencontrées, où le lissé parfait se confronte systématiquement à des zones plus granuleuses et d’autres carrément grumeleuses.

Si nombre de travaux adoptent une composition similaire, aucun n’est semblable à l’autre en ce que diffèrent les coloris, mais aussi les proportions. Magistrale est une salle regroupant des toiles inspirées des gratte-ciel Art déco, avec leurs tonalités argent ou dorées, accrochées face à des combinaisons de fenêtres. On est bien là à New York et l’héritage d’un minimalisme qui abhorrait toute forme d’évocation est devenu très référencé, en effet.

THE NEW YORK MOMENT. TROIS EXPOSITIONS D’ART AMÉRICAIN DES ANNEES 1960 A AUJOURD’HUI

Jusqu’au 18 mai, Musée d’art moderne de Saint-Étienne Métropole, La Terrasse, rue Fernand Léger, 42270 Saint-Priest-en-Jarez, tél. 04 77 79 52 52, www.mam-st-etienne.fr, tlj sauf mardi 10h-18h. Catalogue Peter Halley, coéd. MAM Saint-Étienne/Maruhani & Noirhomme Gallery, 88 p. Catalogue Joel Shapiro, coéd. MAM Saint-Étienne/Nicolas Chaudun éditions, 112 p.

Légendes photos

Peter Halley, The Collaboration (2008), Acrylique, acrylique Day-Glo & Roll-a-Tex sur toile, 229 x 183 cm © Collection privée

Joel Shapiro, Untitled (2002-2007), bronze, 406,4 Á— 847,1 Á— 393,7 cm © 2002-2007 Joel Shapiro / Artist Rights Society (Ars), New York, Image Courtesy of the artist, ADAGP, Paris 2014

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Trilogie new-yorkaise

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