Centre d'art

Olivia Chaponet : « L’artothèque s’adresse à tout le monde »

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 22 novembre 2022 - 844 mots

La coresponsable de l’artothèque Grand Est/Plus vite explique les raisons d’être de ce type établissement.

Quelle est la mission d’une artothèque ?

Son principe est le même que celui d’une bibliothèque, sauf qu’à la place d’emprunter un livre, vous empruntez une œuvre pour l’installer chez vous ou sur votre lieu de travail. L’artothèque, tout en permettant de diffuser largement le travail des artistes, s’adresse à tout le monde : un particulier, une école, une entreprise, un commerçant, etc. Il en existe de plusieurs sortes. Les grandes artothèques disposent d’équipements conséquents, et se localisent dans des villes importantes et dans un seul lieu comme celles de Caen, Lyon ou Angers. Mais si elles ont beaucoup d’emprunteurs, elles rayonnent sur un territoire limité. L’artothèque Grand Est/Plus vite a fait le choix inverse lors de sa création en 2012 : celui d’avoir de petites entités, dénommées artothèques relais, et de les démultiplier dans la région sur différents territoires afin de changer à chaque fois la typologie des emprunteurs.

Sur quel principe fonctionnez-vous ?

Nous n’attendons pas que les gens viennent jusqu’à nous, nous allons jusqu’à eux. Nos lieux d’implantation, sous forme de caissons comprenant une cinquantaine d’œuvres de notre collection, vont ainsi des locaux de la synagogue de Delme, centre d’art contemporain, à ceux de la MJC – centre social Jacques-Prévert de Dieuze ou de la médiathèque de Mirecourt. En 2023, nous en créerons deux autres, l’un à Pont-à-Mousson, l’autre à Metz. Nous renouvelons par ailleurs régulièrement une partie des œuvres des caissons. Nous disposons aussi d’une artothèque mobile qui se déplace pour permettre des prêts d’œuvres à des habitants d’une localité. Beaucoup d’établissements empruntent également directement auprès de nous, notamment des établissements scolaires, des foyers ou l’hôpital de Metz.

Quelles sont les modalités d’emprunt des œuvres ?

Nos prêts sont totalement gratuits et s’accompagnent de textes explicatifs. Car notre mot d’ordre est de sensibiliser tous les publics à l’art contemporain. On part du principe qu’on ne peut apprécier qu’à partir de ce que l’on connaît. Il faut donc permettre cette connaissance à tous, en particulier à ceux qui en sont exclus. Nous ne limitons pas le nombre des emprunts. En général, il ne dépasse pas deux ou trois, car il faut de la place pour les accueillir. On peut garder l’œuvre deux mois, mais nous sommes souples sur la durée.

De quoi cette collection est-elle constituée ?

Elle répertorie un peu moins de cinq cents œuvres et se compose essentiellement de multiples (gravures, photographies, sérigraphies, lithographies, etc.) et d’éditions d’artistes contemporains, nationaux et internationaux tels que Pierre Ardouvin, Glen Baxter ou Fabienne Radi. Notre budget d’acquisition annuel, soutenu par la Drac Grand Est, la région et le département, tourne autour de 6 000 euros. Nous achetons aux artistes, aux éditeurs d’art, aux galeristes ou dans des foires. Quand on a une œuvre d’un artiste dans notre collection, on reste attentif à son travail, et il est probable que nous fassions l’acquisition de plusieurs œuvres au fil du temps comme pour Jochen Gerner, Hippolyte Hentgen ou Guillaume Pinard.

Quelle est la fourchette de prix des pièces de la collection ?

De 50 à 1 200-3 000 euros, mais on ne communique jamais sur le prix, car il modifie le regard sur les œuvres.

Combien avez-vous d’emprunteurs ?

Environ 250. Les profils sociaux et les âges varient en raison de nos lieux d’implantation, très différents les uns des autres. Certains sont ainsi très éloignés de la culture et tournent pendant un certain temps autour des caissons avant d’oser emprunter. Pour d’autres, il s’agit de la première œuvre qu’ils accrochent chez eux. Cela ne se passe pas forcément bien du premier coup. Il arrive qu’un emprunteur ramène une œuvre rapidement en disant par exemple que son mari ne l’a pas supportée. D’où souvent, pour les premiers emprunts, des choix plus décoratifs avant d’aller vers des travaux d’artistes très éloignés de leurs goûts. Ils deviennent alors, sans s’en rendre compte, les médiateurs de l’œuvre qu’ils ont choisie, car c’est à eux d’expliquer leur choix et le travail de l’artiste à leur entourage.

Cela les incite-t-il à devenir collectionneurs ?

Certains le deviennent. Ce basculement intervient une fois qu’ils ont pris confiance dans leurs choix et qu’ils sont capables de les défendre auprès des leurs. Là encore, les profils varient. Deviennent collectionneurs des jeunes comme des personnes très éloignées de l’art contemporain et qui pensaient que ce n’était pas pour eux. Cela passe en général par une œuvre empruntée à laquelle ils ou elles s’attachent. Son achat étant impossible, on essaie quand il s’agit d’un multiple de voir s’il en reste encore un de disponible et si le prix rentre dans leur budget. Si ce n’est pas le cas, on essaie de trouver ensemble une solution. C’est la raison pour laquelle nous avons développé une politique d’éditions très peu chères, au prix coûtant de la rémunération de l’artiste et de la fabrication. Ces éditions permettent de faire une première acquisition, entre 50 et 100 euros, mais aussi de soutenir le travail d’artistes comme celui de Gwendal Coulon ou de Louise Pressager.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°760 du 1 décembre 2022, avec le titre suivant : Olivia Chaponet : « L’artothèque s’adresse à tout le monde »

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