Architecture

Oasis architecturale

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2008 - 887 mots

Une fièvre de constructions s’est emparée des pays du Golfe. Les stars de l’architecture mondiale sont convoquées dans la région pour les projets les plus fous.

À quoi comparer la fièvre architecturale qui s’est emparée des États du Golfe ces dernières années ? À l’édification des palais de la Venise triomphante, à celle des émouvantes résidences de l’île des Princes à Istanbul, au chant du cygne que constitue la politique des grands projets du président Mitterrand ?

État des lieux
Il convient d’aborder aux rives du golfe Persique par le détour d’un quatuor majeur. Non pas celui d’Alexandrie cher à Lawrence Durrell, mais celui d’Abou Dhabi (Émirats arabes unis) composé de Tadao Ando, Frank O. Gehry, Zaha Hadid et Jean Nouvel.
Sur l’île de Saadiyat (l’île du Bonheur), les quatre architectes livreront, dans les années à venir, autant de lieux culturels de première importance. Ando, un musée de la mer, semi-immergé, témoignage de la réalité maritime d’Abou Dhabi – navigation, commerce, pêche et piraterie conjugués – ; Gehry, le plus grand Guggenheim Museum, où s’exprimera à nouveau son goût pour l’emboîtement et le déconstruit ; Hadid, une cité des arts aux cinq théâtres, dont la forme évoque à l’évidence l’huître perlière, qui fut et demeure l’une des richesses de l’émirat ; Nouvel enfin, avec le Louvre-Abou Dhabi se mirant dans les eaux, coiffé d’une vaste coupole et multipliant les jeux d’ombre et de lumière. Quatre équipements majeurs, en attendant, sur la même île, la construction du musée du cheikh Zayed et du campus de la New York University. Soit, au total, des projets sur vingt ans et pour un budget évalué aujourd’hui à 27 milliards de dollars (21,2 milliards d’euros). Mais les réalisations et projets abou-dhabiens ne sont pas circonscrits à la seule île de Saadiyat. Déjà, un pont où Zaha Hadid donne libre cours à sa maîtrise des ellipses, ou encore le stade de Banyas et la tour de l’Horloge qui se tend vers le ciel à la manière d’une voile, tous deux dus au Français Roger Taillibert, sont quelques-uns des jalons de cette fièvre architecturale.

Une ville dans la ville
À l’évidence, Abou Dhabi a choisi comme thème de développement, la culture (musées) et l’éducation (campus universitaires).
Beaucoup plus limité territorialement (d’où la création de plus en plus démesurée d’îles artificielles), l’émirat de Dubaï a, lui, opté pour le « business » et les loisirs, avec, élément monumental, la tour « Burj Dubaï » édifiée par les Américains Skidmore, Owings & Merrill (SOM). Prévue au départ pour être la plus haute tour du monde avec ses 560 mètres, sa hauteur – dépassée en cours de route – a été portée, aujourd’hui, à 850 mètres (dont une flèche mesure 30 mètres), qu’elle dépassera sans doute à l’arrivée. Avec ses 166 étages, la Burj Dubaï est une véritable ville dans la ville, mêlant logements, bureaux, commerces et centres de loisirs. Les gratte-ciel et shopping centers (centres commerciaux), sans caractère particulier, se multiplient à Dubaï. Dans cette forêt indistincte, se détachent néanmoins la tour de l’Italien David Fisher, qualifiée d’« architecture dynamique » et dont chacun des 50 étages pivote à 360 degrés sur un axe central de façon à suivre la course du Soleil ; le projet de tour partiellement immergée (et dotée d’un casino) du Français Jacques Rougerie, spécialiste incontesté de l’architecture sous-marine ; les trois tours « dansantes » de la Britannique d’origine Irakienne Zaha Hadid enfin, lesquelles, liées à la base, se séparent, se déhanchent et se rejoignent au fil de leurs 65 étages.

Rose des sables
À Doha, capitale du Qatar (lire p. 18), les choses sont moins tranchées en termes d’orientation. On y attend une tour de Jean Nouvel, une autre dénommée « Silhouette » et signée Roger Taillibert, un musée de la photographie du Japonais Arata Isozaki et la Qatar Education City, réalisée par le groupe OMA conduit par Rem Koolhaas. Le 22 novembre devrait y être inauguré le Musée d’art islamique de I. M. Pei aménagé par Jean-Michel Wilmotte. Et Jean Nouvel vient d’y remporter le concours portant sur le « Musée national », un projet métaphore en forme de rose des sables (lire p. 18). Quant aux rares privilégiés, ils peuvent visiter la « Millenium House » du Britannique d’origine israélienne Ron Arad, dont les plans, photographies et maquettes sont actuellement exposés au Centre Pompidou (du 20 novembre au 16 mars 2009, lire aussi p. 39). Tout près de là, dans le sultanat d’Oman, l’équipe française Architecture Studio vient de remporter le concours portant sur l’édification d’un pôle urbain totalisant 40 000 m2 et qui regroupera sous une immense canopée, entre mer et montagne, les Archives nationales, la Bibliothèque nationale et le Théâtre national. Tandis qu’au Koweit une autre équipe française, Valode & Pistre, édifie une série de complexes cinématographiques.
Se murmurent, ici et là, les noms du Bandolais Rudy Ricciotti dont le département d’Arts de l’islam qu’il réalise actuellement au Musée du Louvre n’est pas passé inaperçu ; du Romain Massimiliano Fuksas ; du New-Yorkais Bernard Tschumi avec un considérable projet à Dubaï.
Mais la vraie question est liée à la crise. À l’heure où les budgets d’opérations déjà engagées fondent comme neige au soleil malgré la manne pétrolière, et où nombre d’agences d’architecture commencent à licencier, combien de ces projets et de ces rêves deviendront-ils réalité ?

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Oasis architecturale

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