Memento Mori de Pascal Rambert

Par Céline Piettre · L'ŒIL

Le 25 mars 2013 - 405 mots

Dans son dernier spectacle, le chorégraphe met en scène la question des origines dans une proposition éminemment
plastique.

Au commencement était le noir. Un noir habité, frémissant d’une vie encore invisible. L’oreille la discerne d’abord, relayée bientôt par l’œil. On cligne. Des formes apparaissent, des visions s’impriment sur la rétine. Un mouvement quasi immobile, cinq corps nus qui bougent comme s’ils venaient d’éclore. Les peaux éclairent l’obscurité dans un sfumato de gris. Puis c’est la vitesse, la panique, le chaos, le débordement… Et le calme de nouveau.

La dernière pièce de Pascal Rambert, Memento Mori (« Souviens-toi que tu vas mourir »), débute – paradoxalement, vu le titre – par une naissance. Le metteur en scène français – chorégraphe à ses heures, comme ici – a remonté le temps du corps jusqu’à ses premières secondes. Un corps rupestre, préhistorique, « d’avant le mouvement », dit-il. Et, bien sûr, d’avant le texte, ou le verbe. Un corps qui sort progressivement de la nuit – comme une sculpture de la glaise – pour vivre ensuite une existence extatique et chavirée.

Memento Mori est une pièce sur les origines, sans que l’on sache très bien de quelles origines il s’agit. « Ce que je veux essayer de faire, comme dans chacun de mes spectacles, c’est parler de la condition humaine », explique Pascal Rambert. Ici par une proposition en trois parties, mise en lumière par Yves Godin (dont on a vu le travail chez Boris Charmatz, Vincent Dupont, ou en solitaire, avec l’installation Point d’orgue, composée exclusivement de bougies). Se bousculent dans cet univers, oscillant entre la forme et l’informe, les corps de Goya ou Courbet, Muybridge et Richter, d’Agata et Masaccio. Un groupe, bras et jambes tendus comme les lances de La Bataille de San Romano du Louvre (Uccello). Une nudité à la fois épique, antique (les hoplites grecs des peintures de David) et primitive, organique.

À l’intérieur de cette nuit claire, solaire comme une éclipse, des bruits de succion, des fruits qui s’écrasent et giclent. Une danse dionysiaque, où la femme est étrangement absente. Peut-être parce qu’il n’est pas ici question de genre, mais de genus (son équivalent latin) : de famille, d’espèce, d’origine, d’une androgynie première. n  Céline Piettre

Quoi ?
Memento Mori de Pascal Rambert.

Où ?
Théâtre de Gennevilliers, Centre dramatique national de création contemporaine, 41, avenue des Grésillons, Gennevilliers (92).

Quand ?
Du 27 mars au 6 avril 2013.

Comment ?
www.theatre2gennevilliers.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°656 du 1 avril 2013, avec le titre suivant : Memento Mori de Pascal Rambert

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