Musique

De l’oreille à L’Œil, la chronique de Laure Albernhe

Les Delaunay, Django et le rythme syncopé

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 26 octobre 2021 - 420 mots

Lorsque Charles Delaunay (1911-1988) crée le fameux label Vogue en 1947, c’est tout naturellement vers sa mère, la peintre Sonia Delaunay (1885-1979), qu’il se tourne pour en dessiner le logo.

Cinq lettres peintes à main levée, en rouge, bleu et vert. Le rouge, c’est la couleur de son amour qui la lie à Robert, son mari et complice en art, peintre et père de son fils unique. Le bleu, la sérénité de cette union. Le vert, en revanche, n’a pas de signification particulière… Mais il est franc, vif et présent ! Depuis 1930, Sonia Delaunay fréquente un couple de bourgeois éclairés, passionnés d’art et de musique : les Perrier. C’est dans leur appartement de Montmartre, dont elle a dessiné les rideaux et Le Corbusier l’escalier, que le couple accueille des artistes. C’est là, donc, dans ce salon appelé R-26, que Sonia côtoie Django Reinhardt (1910-1953). Le génial guitariste a en effet l’habitude d’y passer au milieu de la nuit, où ses pantoufles, son calva et son fauteuil préféré l’attendent. Est-ce dans ce salon que son fils, Charles Delaunay, a lui aussi rencontré le musicien, à qui il consacrera un livre en 1968 : Django, mon frère ? Le fait est que Charles devient son manager, et qu’il le signe sur son label Swing, créé en 1937, le premier entièrement dédié au jazz. C’est d’ailleurs sur ce label que Django enregistre, avec le violoniste Stéphane Grappelli et le quintette du Hot Club de France (HCF), un morceau intitulé R. vingt-six, en souvenir de ces nuits montmartroises où se croisaient peintres et musiciens. Passionné de jazz, Charles Delaunay a été secrétaire du HCF. Il a dirigé la revue Jazz Hot et dressé des ponts musicaux entre la France et les États-Unis à travers ses labels. Mais le fils de Sonia et Robert Delaunay était aussi batteur, fidèle à ce goût du rythme familial qui s’était immiscé jusque dans la peinture de ses parents, si reconnaissable à leurs recherches dans les couleurs et les formes géométriques. En 1934, Robert avait réalisé la série Rythme, agrandie pour l’Exposition universelle de 1937. Chez Sonia, la recherche du rythme en peinture a duré toute sa vie, au moins jusque dans les années 1960, avec cette toile que l’on peut admirer au Musée d’arts de Nantes : Rythme syncopé, dit Le Serpent noir (1967) où ledit serpent représente la syncope qui vient rompre le rythme du tableau. Le jazz qui, plusieurs décennies après avoir pénétré dans l’effervescence familiale, continuait donc d’imprégner la vie et l’œuvre des Delaunay.

À retrouver.
Laure Albernhe et Mathieu Beaudou dans les
Matins Jazz,
du lundi au vendredi, de 6 h à 9 h 30 sur TSF JAZZ, la radio 100 % jazz. www.tsfjazz.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Les Delaunay, Django et le rythme syncopé

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