Israël - Musée

Tel-Aviv

La quadrature du triangle

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2011 - 620 mots

Deuxième addition au Tel-Aviv Museum of Art, le bâtiment de Preston Scott Cohen, tout de béton et de verre, affiche d’étonnantes surfaces anguleuses et resplendissantes.

TEL-AVIV - Un bloc minéral, immaculé, hiératique… De quoi s’agit-il ? d’un origami monumental ? d’un jeu démesuré sur les fractales, tels que l’évoquent les 430 panneaux en ciment lissé qui constituent la peau de la toute nouvelle addition du Tel-Aviv Museum of Art, signée par l’architecte américain Preston Scott Cohen ? Oui, un bel exemple de géométrie différentielle, dont la scansion, la séquenciation favorisent les mécanismes, la dimension du récit. Bref, un marqueur urbain dont la densité et la puissance dialectiques n’ont d’égales que la légèreté et la subtilité. Inauguré en 1971 dans un bâtiment de 16 300 m2 conçu par Dan Eytan et Yitzchak Yashar, puis augmenté en 1996 d’une nouvelle aile de 3 000 m2 et d’un jardin de sculptures à nouveau signés Dan Eytan, le musée persistait à être à l’étroit dans ses murs. Un couple de collectionneurs et mécènes californiens, Herta et Paul Amir dotèrent alors l’institution, lui permettant de se livrer à une deuxième addition de 18 000 m2 pour la bagatelle de 55 millions de dollars (40,5 millions d’euros).

Lauréat du concours, Preston Scott Cohen confie : « Le programme du musée relevait du challenge et consistait à fournir plusieurs grands niveaux de salles d’exposition rectangulaires et neutres au sein d’un site triangulaire spécifique et restreint. La solution que nous avons proposée fut une quadrature du triangle réalisé par la disposition des différents plateaux selon des axes différents et des changements de direction significatifs à chaque niveau. » Résultat, un parcours étrange et décalé, ménageant découvertes et paysages, perturbant le sens de l’orientation et valant la visite à lui tout seul, au-delà ou en deçà des Picasso, Matisse, Mondrian, Klimt, Lichtenstein, Chagall qui constituent la collection du musée, ou de l’exposition inaugurale « Anselm Kiefer : Shevirat Ha-Kelim » avec laquelle l’artiste allemand explore les thèmes de la Bible hébraïque, de la mystique et des mythes juifs. Au cœur du musée un atrium, puits de lumière zénithale, s’élance en spirale sur 27 mètres et distribue les cinq niveaux du musée, deux au-dessus du niveau du sol et trois en sous-sol. Aux espaces d’exposition et aux locaux administratifs et techniques, s’ajoute un auditorium de 650 m2.
Assez curieusement, cette quadrature du triangle à la géométrie imparable, dont parle Cohen, possède une dimension baroque évidente, tout autant qu’elle constitue un hommage évident au modernisme. Proche de l’Opéra, du théâtre Cameri, de la grande bibliothèque, du palais de justice et même du Q.G. de l’armée, le musée, immaculé, n’est qu’à quelques encablures de ce qu’à Tel-Aviv on nomme « la ville blanche », un ensemble classé au patrimoine mondial de l’Unesco, édifié au fil des années 1930-1950 par, entre autres, d’anciens élèves du Bauhaus, et qui constitue une ode à la modernité. Avec, en son point nodal, la rue Bialik où flamboient le café Sapphire devenu café Bialik (édifié en 1932 par David Tuvia), le Musée Bialik (architecte : Joseph Minor), le Musée Rubin (architecte : Pinhas Bijonski), la maison Shlomo Yafe (architecte : Shlomo Gepstein) et un inattendu Musée du Bauhaus…

Équipement majeur
Ainsi Tel-Aviv (la colline du printemps, en français), surnommée « la ville qui ne dort jamais » (l’intense vie universitaire et touristique qui la caractérise est tout autant diurne que nocturne) ou encore « la bulle » (en raison du calme relatif qui y règne), capitale universitaire, scientifique, technologique, économique et financière d’Israël s’est-elle dotée d’un équipement culturel et architectural majeur. Équipement dont le qualificatif imaginé par son architecte, Preston Scott Cohen, « la quadrature du triangle », semble être un portrait en creux de l’État hébreu.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : La quadrature du triangle

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque