Lumière et mouvement - Un Grand Palais dynamisé

« Dynamo » électrise le Grand Palais

Les Galeries nationales du Grand Palais consacrent une vaste exposition à l’art cinétique et optique de 1913 à nos jours. Tout en s’annonçant comme un « blockbuster », « Dynamo » se révèle de haute tenue

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 23 avril 2013 - 1162 mots

3 700 m2 d’espaces d’exposition sur deux étages, près de 150 artistes…, le Grand Palais n’a pas lésiné sur les moyens pour accueillir la première grande exposition consacrée à l’art lumino-cinétique et l’art perceptuel. L’exposition, qui décrypte avec minutie un siècle de création, devrait battre des records de fréquentation.

PARIS - Ce devrait être l’exposition « blockbuster » de ce printemps à Paris. Pour la première fois, le Grand Palais consacre la totalité de ses galeries d’exposition, soit environ 3 700 m2 sur deux niveaux, à une manifestation qui accueille près de 150 artistes. Le résultat est à la hauteur des moyens engagés. Le sous-titre de la manifestation, « Un siècle de lumière et de mouvement dans l’art, 1913-2013 », rend compte de la perspective adoptée par les commissaires. C’est fondamentalement une posture historique qui a été retenue, là où un propos plus léger, plus ludique, aurait aussi pu convenir à la nature de nombreuses œuvres exposées avec lesquelles le visiteur interagit. Alors que
« Dynamo » entend s’adresser au plus grand nombre, tant par les moyens mis en œuvre que par la thématique qui peut toucher un vaste public, les œuvres ont été choisies avec soin, et le discours qui les relie est de qualité. Viser une fréquentation importante ne s’accompagne pas nécessairement, c’est heureux, d’une moindre exigence.
Si le titre de la manifestation ne le dit pas, il est ici uniquement question d’art abstrait (et l’exposition est l’une des plus grandes jamais organisées dans le monde sur cette forme d’art), alors même que les thèmes de la lumière et du mouvement auraient pu être également illustrés par des œuvres figuratives. On peut voir, dans la présente exposition, la poursuite à grande échelle d’une précédente manifestation, marquante, qui avait déjà été organisée par Serge Lemoine, commissaire général de « Dynamo ». Ce n’est sans doute pas un hasard si « Aux origines de l’abstraction » s’arrêtait justement à l’année 1914 quand, précisément, « Dynamo » démarre en 1913 pour s’étendre jusqu’à nos jours. Centré sur l’art lumino-cinétique, courant inauguré en 1955 avec l’exposition « Le Mouvement » présentée à la galerie Denise René à Paris, mais axé aussi autour d’un art qui fut ensuite qualifié de « perceptuel » lors de l’exposition « The Responsive Eye » au Museum of Modern Art de New York en 1965, le propos est, ici, considérablement élargi : son champ couvre en effet un siècle et s’étend bien au-delà du courant qui constitue le cœur de la manifestation. Miroirs, néons, cercles, le regard est à la fête, sans cesse sollicité, comme entraîné par nombre d’œuvres exposées. Certaines d’entre elles donnent le vertige, tandis que d’autres agressent les sens, telle Light Corner (2001), de Carsten Höller, composée d’ampoules qui clignotent de façon insupportable sur les murs de la salle dans laquelle on pénètre.

Troublante expérience
Le visiteur qui attendra des artistes tels Carlos Cruz-Diez ou Julio Le Parc ne sera pas déçu, puisque sont représentés en nombre les grands noms de l’art optique et cinétique. Le célèbre Labyrinthe du G.R.A.V. (Groupe de recherche d’art visuel), créé en 1963 pour la Biennale de Paris, est même reconstitué. L’élargissement du propos se lit dès la première œuvre ouvrant le parcours, avec un assemblage de néons blancs verticaux (Voltes III, 2004) de John M. Armleder qui, en s’allumant et s’éteignant de façon alternative, produisent une saisissante impression de mouvement. Dès la deuxième salle, Anish Kapoor apparaît en majesté avec un ensemble de trois magnifiques sculptures concaves dont les tons des surfaces réfléchissantes varient, avec le mouvement, du noir à lie-de-vin en passant par aubergine ou marine (Untitled, 2008). Son Islamic Mirror (2008), plus loin, est tout aussi magistral. François Morellet présente plusieurs pièces de très haute tenue, la plus fascinante étant sans doute (Triple X Neonly, 2012), composée de plusieurs plans de fins tubes de néon blanc qui, du fait de leur entrecroisement, donnent l’impression d’être incurvés. Il faut se déplacer autour de l’œuvre pour en apprécier pleinement toute la géométrie et la subtilité. Ann Veronica Janssens n’est pas en reste avec, en particulier, un environnement dans lequel le visiteur, évoluant dans une dense fumée de paraffine, fait la troublante expérience d’une immersion au cœur de la couleur, jaune et bleue (Daylight blue, Skyblue medium, yellow, 2011). Cela restera un grand moment de la visite, comme la rencontre avec une sourde couleur rouge qui émerge au fond d’une pièce plongée dans l’obscurité par James Turrell (Cherry, 1998). Si toutes ces pièces, parmi les plus spectaculaires, rythment le cours de l’exposition, il faut rendre gré à ses commissaires d’avoir accordé une belle place à la peinture, ce qui, parfois, allait moins de soi, mais le propos convainc. Bien qu’il ne soit pas toujours considéré à sa juste valeur, à cause de la production sans doute trop abondante et stéréotypée de ses dernières années, Victor Vasarely est bien représenté dans l’exposition. De Bridget Riley sont montrées trois œuvres, dont l’une, Fall (1963) est magnifique.

Section tactile peu tactile
Peu de manques criants dans l’exposition, si ce n’est celui, parmi les artistes les plus contemporains, d’Olafur Eliasson, dont l’œuvre correspondait parfaitement au thème. Selon nos informations, l’artiste aurait refusé d’être associé à la manifestation. On pourra – en partie – se consoler avec la présence de Jeppe Hein, qui fut son assistant et dont l’œuvre est également très consistant, notamment avec la pièce composée de deux miroirs assemblés à angle droit et fixés sur un socle rotatif (360o Illusion II, 2007). On aurait également aimé se plonger dans les environnements lumineux dont Lucio Fontana fut l’un des pionniers. Ses somptueux plafonniers constitués de longs tubes de néon blanc s’enroulant sur eux-mêmes en dessinant des volutes inspirèrent nombre d’artistes présents dans l’exposition dont certains lui rendirent explicitement hommage. Car l’œuvre de l’artiste italien va bien au-delà de ses tableaux incisés auxquels le marché le réduit trop souvent et il aurait trouvé ici toute sa place. On aurait également aimé que la sculpture de Lygia Clark, Bicho (1969), figurant dans la section « tactile », soit accompagnée d’une réplique manipulable et transformable par les visiteurs au lieu que l’œuvre originale présentée sous vitrine soit complétée par une vidéo illustrant ses transformations possibles.
Malgré ces réserves, il convient de se réjouir que Paris, qui a vu émerger l’art optique et cinétique dans lequel se sont illustrés des artistes venus du monde entier, soit en mesure de présenter pareille exposition. Depuis son annonce, l’événement n’a pas manqué de susciter de nombreuses manifestations dans la capitale qui permettent aujourd’hui de reconsidérer tout un versant de la création contemporaine. Outre cet effet d’entraînement bienvenu, il n’est pas à douter que « Dynamo » saura attirer de nombreux visiteurs, notamment étrangers, et qu’elle fera date, tant par la qualité des œuvres remarquablement présentées que par la rigueur de son propos.

Dynamo

Commissaire général : Serge Lemoine
Commissaire : Matthieu Poirier
Commissaires associées : Domitille d’Orgeval et Marianne Le Pommeré
Scénographe : Véronique Dollfus
Nombre d’artistes : 142
Nombre d’œuvres : 200

Dynamo. Un siècle de lumière et de mouvement dans l’art, 1913-2013

Jusqu’au 22 juillet, Galeries nationales du Grand Palais, entrée Champs-Élysées, square Jean-Perrin, av. du Général-Eisenhower, 75008 Paris, tlj sauf mardi 10h-20h, le mercredi jusqu’à 22h, fermé le 1er mai, le 14 juillet 14h-20h, le 30 mai 10h-17h, www.grandpalais.fr. Catalogue, 368 p., 45 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°390 du 26 avril 2013, avec le titre suivant : « Dynamo » électrise le Grand Palais

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