Musée

Découvrir la Ny Carlsberg Glyptotek à Copenhague

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 27 juin 2016 - 855 mots

COPENHAGUE / DANEMARK

Face à Tivoli, plus ancien parc d’attractions au monde, se dresse la Ny Carlsberg Glyptotek, un merveilleux musée né de la passion d’un mécène pour les sculpteurs de son temps, dont Rodin et Carpeaux.

Imaginerait-on en France pousser les portes d’un Musée Kronenbourg, non pas pour percer les secrets de la bière mais pour étancher sa soif d’art ? C’est l’expérience que l’on peut vivre à Copenhague, où la plus grande collection privée de Scandinavie est conservée à la Ny Carlsberg Glyptotek, un établissement portant fièrement le nom d’une illustre marque de bière. Il n’y a pourtant rien de surprenant à cela tant l’histoire du musée, l’un des plus anciens du Danemark, est indissociable de la personnalité de Carl Jacobsen (1842-1914), le fils du fondateur de la brasserie Carlsberg. Lorsqu’il reprend les rênes de l’entreprise, Carl la modernise et la fait prospérer. Le magnat de la fine mousse amasse une véritable fortune et peut s’adonner à sa passion pour l’art. Immense collectionneur, le brasseur est également un mécène hyperactif. Il participe à une foule de chantiers de construction et d’embellissement de Copenhague et dote l’espace public de nombreuses sculptures, dont la fameuse Petite Sirène, un bronze de modeste dimension campé sur son rocher, symbole de la capitale danoise à travers le monde réalisé par Edvard Eriksen.

À Paris, dans l’atelier des sculpteurs
Plus que toute autre forme d’art, la sculpture a en effet les faveurs de l’homme d’affaires. S’il achète des peintures, notamment des fleurons de l’âge d’or danois, l’entrepreneur nourrit un amour dévorant pour la statuaire. Il considère ce médium comme le plus accessible, le plus universel, car le plus à même de traduire la condition humaine. Son rêve est d’offrir à ses compatriotes les meilleurs exemples de la sculpture antique comme moderne, des pièces qui constitueraient aussi des modèles pour les artistes septentrionaux. Il encourage par ailleurs la scène danoise contemporaine en achetant, entre autres, des créations de Bissen et Jerichau.

Au gré de ses voyages en Europe, Jacobsen constitue un petit trésor. À sa disparition en 1914, ses collections culminent ainsi à près de huit mille pièces. À Rome, il noue une relation fertile avec l’archéologue Wolfgang Helbig. Devenu son agent, ce dernier lui débusque de superbes antiquités. À Paris, Jacobsen fréquente assidûment le Salon. Chaque année, il y acquiert plusieurs pièces, presque exclusivement des sculptures. La Musique d’Eugène Delaplanche est le premier achat d’une longue série. Il se fournit aussi à la source en achetant directement auprès des meilleurs artistes vivants, à commencer par Auguste Rodin à qui il rend régulièrement visite, le commanditaire se permettant au passage de demander au maître de petits ajustements. De Rodin, il apprécie surtout les pièces les plus séduisantes, les moins ambiguës. Lorsqu’elles flirtent trop avec le symbolisme ou l’abstraction, il lui demande de revoir sa copie comme pour la Cariatide. En bon pragmatique, le démiurge s’exécute et assagit sa statue.

Près de Tivoli, un temple pour la sculpture
La collection grandit si vite que, dès 1882, Jacobsen dispose d’assez de pièces pour constituer un petit musée au cœur de sa demeure personnelle, à proximité immédiate de la brasserie. Le mécène se mue alors en guide et fait découvrir aux visiteurs une sélection de sarcophages romains, de bustes de Palmyre mais aussi de sculptures contemporaines. La maison familiale devient rapidement étriquée pour ce fonds qui s’enrichit de jour en jour. En 1888, il donne donc sa collection française et danoise à l’État qui, en contrepartie, s’engage à lui fournir des terres pour ériger son musée. Ce sera une parcelle dans la banlieue de Copenhague, au milieu des cabanes de pêcheurs et face au plus ancien parc d’attractions du monde, Tivoli. Un voisinage déroutant pour l’édifice éclectique qu’il commande à Vilhelm Dahlerup.

L’architecte y élève un palais historiciste, un temple des arts typique de l’architecture fin de siècle avec ses décors opulents. Plafonds à caissons, murs de couleurs vives, frises narratives, colonnes de marbre et sols en mosaïques forment encore aujourd’hui un écrin élégant aux œuvres réunies par le fondateur. Le musée, agencé par Jacobsen selon des logiques de délectation plus que de classement scientifique, est inauguré en 1897. Moins d’une décennie plus tard, il est complété par une seconde construction, signée Hack Kampmann. Elle est dévolue aux antiques de Jacobsen qu’il a entre-temps donnés à son pays. La jonction entre les deux ailes se fait par un somptueux jardin d’hiver. Une petite oasis coiffée d’une haute coupole de verre où poussent palmiers et flore méditerranéenne.

Dernière pièce de ce puzzle architectural, une extension moderne est élevée en 1996 par Henning Larsen. Cet espace consacré à la peinture française du XIXe siècle a intégré la Glyptotek grâce à un étonnant retournement de situation. Car, si Carl adorait la sculpture de son époque, il détestait la peinture d’avant-garde. Son fils Helge vouait, en revanche, une admiration sans bornes aux impressionnistes. En lui succédant, il n’aura de cesse d’acheter tout ce que son père avait en horreur. Une revanche des modernes contre les anciens qui explique la richesse et la diversité de cette collection, mais aussi l’aspect patchwork de l’ensemble qui contribue fortement au charme de ce lieu inclassable. 

Gauguin’s worlds

jusqu’au 28 août 2016. Ny Carlsberg Glyptotek, Dantes Plads 7, Copenhague (Danemark). Ouvert tous les jours de 11h à 18h, nocturnes le jeudi jusqu’à 22h, fermé le lundi. Tarifs : 110 à 65 DKK, www.glyptoteket.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°692 du 1 juillet 2016, avec le titre suivant : Découvrir la Ny Carlsberg Glyptotek à Copenhague

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