Droit - Galerie

Enquête

Contrat de confiance

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 15 décembre 2010 - 793 mots

Alors que le Cipac vient de proposer un modèle de contrat de production associant les galeries, ces dernières songent à un code de déontologie.

PARIS - Lors de la réception donnée le 18 octobre par le ministère de la Culture à l’occasion de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), Frédéric Mitterrand a évoqué la rédaction par la direction générale de la Création artistique d’une circulaire axée sur la commande publique. Ce document redéfinirait les termes d’un contrat qui associerait désormais les galeries. Une petite révolution, puisque les galeries avaient jusqu’à présent été systématiquement écartées de la commande publique. Une première réunion portant sur ce sujet a été calée entre l’Inspection générale et le Comité professionnel des galeries d’art le 14 décembre. La question d’un contrat incluant les galeries a aussi été au cœur des réflexions du Cipac (Fédération des professionnels de l’art contemporain), lequel a dévoilé le 10 décembre un modèle contractuel pour la production d’œuvres par les centres d’art. Celui-ci est signé par le centre d’art, l’artiste et, dans le cas où il est représenté, sa galerie. Il est stipulé que, en cas de vente de l’œuvre d’art, l’artiste ou la galerie doit rembourser le centre d’art des frais de production engagés. En cas de rupture des relations entre les deux parties, chacun s’engage à en informer le centre d’art par lettre recommandée avec accusé de réception. Par ailleurs, toute reproduction d’une œuvre d’art devra être accompagnée de la mention « représentée par la galerie ».

Lettre d’intention
Cette trame ayant été validée aussi bien par le Comité professionnel des galeries d’art que par les différentes fédérations d’artistes, le Cipac réfléchit à un modèle de contrat de coproduction, et à un autre portant sur l’acquisition d’œuvres par les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Le modèle proposé par le Cipac n’est toutefois en rien un impératif et est plutôt à prendre comme un outil de travail. « Le contrat permet de standardiser et cadrer les relations », estime l’avocat Olivier de Baecque. Ces réflexions ont conduit les galeries à cogiter sur l’opportunité d’un contrat avec les artistes, pour parer notamment aux risques de Mercato. « Il serait trop sophistiqué de faire signer un contrat de dix pages. Une lettre d’intention me paraît plus adaptée, car beaucoup de paramètres ne peuvent être contractualisés à l’avance », précise Olivier de Baecque. Et d’ajouter : « L’absence de contrat écrit ne signifie pas qu’il n’y ait pas de contrat. Le principe du « consensualisme « permet que la poignée de main ait aussi valeur d’accord. C’est donc une question de preuve : les parties doivent documenter rigoureusement leurs actions, se consulter, faire valider les listes de prix. La relation entre un artiste et une galerie est un mandat d’intérêt commun. Et en cas de rupture, il faut prévoir un délai pour permettre à l’un ou à l’autre de se retourner. Soit on exécute le préavis, soit on doit une indemnisation. » Deux décisions de justice, celle de la cour d’appel de Dijon du 24 mars 1992, et celle de la cour d’appel de Paris du 4 novembre 1998, viennent appuyer ce postulat. De fait, plutôt qu’à une convention, laquelle rebuterait les deux parties, le Comité professionnel des galeries d’art songe à une charte de déontologie. 

Preuves de correspondance
Les autres pays européens ne pratiquent quasiment pas le contrat. « En Angleterre, les artistes n’ont généralement pas accès à des conseils juridiques et ils n’aiment pas trop la paperasserie. Tout se fait sur la base de la confiance, indique Pierre Valentin, avocat au cabinet britannique Withers. Quand il n’existe pas de contrat formel, au moment du litige, il faut donner des preuves de correspondance. Il est courant chez nous d’entendre oralement les deux parties. » En revanche, il existe dans le droit américain un contrat en bonne et due forme, dans lequel l’artiste et la galerie disposent d’un préavis de trente jours en cas de rupture. L’artiste n’a pas le droit de vendre sans passer par l’intermédiaire de sa galerie, mais en même temps cette dernière doit reverser à l’artiste le premier jour de chaque mois le pourcentage issu des ventes effectuées. Les frais liés à une exposition ou à une vente se trouvent aussi entièrement à la charge de la galerie. « C’est un contrat plutôt commun ici, explique l’avocat new-yorkais Richard Altman. Beaucoup de ses termes protègent l’artiste, et une galerie accepte de le signer sur la base de la réputation et du pouvoir du créateur. Il existe aussi dans la loi new-yorkaise des dispositifs protégeant l’artiste quel que soit le contrat. Par exemple, la part qui revient à l’artiste dans une vente doit être versée sur un compte séparé, de manière que la galerie ne puisse utiliser cet argent pour payer son loyer. »

Légende photo

Frédéric Mitterrand (2010) - Photo Peter17 - Licence CC BY 3.0

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°337 du 16 décembre 2010, avec le titre suivant : Contrat de confiance

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