Contrats aidés et culture

Par Jacques Attali · Le Journal des Arts

Le 7 septembre 2017 - 567 mots

Il est toujours bien difficile de comprendre le rôle de l’impôt dans le fonctionnement d’une société.

Et en particulier sur le marché du travail. Et plus encore dans les domaines artistiques. Le Budget 2018 en sera un exemple particulier.

Le débat va se recentrer sur la réduction massive du nombre de contrats aidés, qui rémunèrent aujourd’hui d’innombrables emplois dans les associations et les collectivités locales. Le Gouvernement expliquera qu’il n’est pas sain de financer par l’impôt des emplois qu’il dénonce comme artificiels et non durables. Les associations expliqueront que, au contraire, beaucoup de ces emplois sont en fait durables, qu’ils rendent des services essentiels à la collectivité, et qu’il est donc normal qu’ils soient financés, au moins en partie, par l’impôt.

L’enjeu est d’importance : le Gouvernement s’apprête à réduire de moitié le nombre d’emplois ainsi financés. On les trouve dans les écoles, les municipalités, les musées, les théâtres, les salles de concert, les associations artistiques et culturelles, les associations caritatives. Ils servent de premier emploi à bien des jeunes, et de recours à bien des associations, qui n’ont pas les moyens de payer au prix du marché des salariés essentiels à l’exercice de leur mission.

Certains applaudiront la décision de l’État de renoncer à financer ainsi des emplois hors du champ de la fonction publique et ils diront que c’est au secteur privé d’en prendre la charge. C’est oublier qu’il n’est pas un seul emploi privé qui ne soit, d’une façon ou d’une autre, financé au moins en partie par les contribuables, parce qu’il n’est pas une entreprise, quelle que soit sa taille, qui ne reçoive une aide de l’État, sous forme de subvention ou de réduction d’impôt : aide à la recherche, à l’innovation, à l’exportation, à la formation, à l’investissement, ou autre encore. Les contrats aidés ne sont pas seuls à l’être. Tous le sont.

La vraie question est donc : l’État doit-il financer les emplois de service bénéficiant de ces contrats aidés ? Doit-il financer ainsi des emplois dans les collectivités locales, les hôpitaux, les musées ou le monde associatif, comme il le fait par ailleurs dans le monde productif ?

Pour moi, la réponse est clairement positive. D’abord parce que ces contrats débouchent pour beaucoup d’entre eux, après leur fin, sur d’autres durables et financés sans participation du contribuable. Ensuite parce que ces emplois, pour la plupart, remplissent à bas coûts des fonctions que le service public n’a pas les moyens de remplir, permettant à l’État de faire des économies significatives sur l’exercice de ses fonctions essentielles. Enfin, parce que ces emplois donnent à des millions de gens les moyens de consommer et donc de financer des emplois dans les entreprises qui les fournissent en biens de consommation.

Certes, l’État doit faire des économies et il est vital de redescendre à des niveaux de dépenses publiques conformes à nos engagements européens. C’est la condition de notre crédibilité internationale et de notre influence sur le destin de l’Europe. Mais il y aurait bien d’autres moyens d’y parvenir ; par exemple en alignant les âges de départ en retraite dans les différentes institutions ou en mettant sous condition de ressources bon nombre d’allocations distribuées aveuglement, y compris aux plus riches.

Le monde de l’art est en première ligne dans ce débat. Il peut en être la grande victime, parce que les bureaucrates budgétaires le considèrent rarement comme prioritaire. À lui de se faire entendre.

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L'économiste Jacques Attali au Festival de la Ville-Entreprise © Photo Jaqen - 22 avril 2010- Licence CC BY-SA 3.0

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : Contrats aidés et culture

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