Justice

« C'est une honte » : prison et colossale amende pour fraude fiscale requis contre Guy Wildenstein

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 14 octobre 2016 - 681 mots

PARIS

PARIS [13.10.16] - « C'est une honte » : le parquet a requis jeudi de la prison ferme et une amende colossale contre le marchand d'art Guy Wildenstein, poursuivi pour avoir orchestré avec d'autres héritiers et des conseillers la fraude fiscale "la plus sophistiquée" de la Ve République.

La représentante du parquet Monica d'Onofrio a requis quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis et 250 millions d'euros contre le principal héritier d'une lignée mondialement connue de marchands de tableaux, qui fut aussi un soutien actif de l'UMP.

C'est une affaire test pour le tout jeune Parquet national financier (PNF), comme celle de l'ancien ministre Jérôme Cahuzac, contre qui trois ans de prison ferme ont été requis.

Si le procès de M. Cahuzac a eu une charge politique incomparable, l'affaire Wildenstein a permis pendant trois semaines d'explorer un monde d'habitude très secret : celui d'une élite mondialisée et extrêmement fortunée.

Avec Guy Wildenstein sont jugés deux autres héritiers : le jeune Alec, qui vit dans un somptueux ranch familial au Kenya, et Liouba Stoupakova , sculpteur d'origine russe et veuve d'un héritier de la famille, en rupture avec le clan. Contre le premier, "moins impliqué" que son oncle Guy, le parquet a requis six mois d'emprisonnement avec sursis. Contre la seconde, un an de prison avec sursis.

Viennent ensuite les conseillers, jugés pour complicité et/ou blanchiment : le notaire retraité français Robert Panhard, contre qui deux ans d'emprisonnement avec sursis ont été requis ; l'avocat suisse Peter Altorfer (trois ans de prison dont deux avec sursis et un million d'euros d'amende) ; l'avocat français Olivier Riffaud (deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis, et une interdiction d'exercer pendant trois ans toute profession juridique).

Sont visées ensuite deux entreprises gérant les "tirelires" des Wildenstein, comme dit Mme d'Onofrio : leurs "trusts", sociétés-écran basées dans les paradis fiscaux. Contre la Northern Trust Fiduciary Services (Guernesey) et contre la Royal Bank of Canada Trust Company (RBCTC), a été requise l'amende "maximum" pour complicité de fraude fiscale, 187.500 euros.

"Impressionnistes de la finance"
Dans son long réquisitoire, Monica d'Onofrio a décrit la "fraude fiscale la plus longue et la plus sophistiquée de la Ve République". Il est reproché aux Wildenstein d'avoir menti sur leur patrimoine lors du décès en 2001 puis 2008 du patriarche Daniel puis de son fils aîné Alec.

Les débats, parfois fastidieux, n'ont pas permis de véritablement cerner une fortune de plusieurs milliards d'euros.

Le tribunal a cherché à évaluer ici la valeur de toiles disséminées entre les Etats-Unis, la Suisse et Singapour (875 millions de dollars), là celle du ranch kenyan où fut tourné le film "Out of Africa" (10 millions de dollars)...

Le fisc français réclame aux Wildenstein, dans un contentieux parallèle au procès pénal, plus d'un demi-milliard d'euros.

Daniel et Alec, très malades, ont fini leurs jours à Paris, où "les hôpitaux sont payés par nos impôts", comme l'a souligné Mme d'Onofrio, et où ils avaient leur résidence fiscale.

"Cette fortune apatride, elle est déclarée où ? Nulle part. Vous pensez que c'est une niche fiscale mondiale ? C'est une honte", a-t-elle lancé.

Tout au long du procès, le Franco-Américain Guy Wildenstein, 70 ans, a assuré qu'il ne comprenait pas grand-chose à des montages mis en place par son père et son frère. Ou s'est retranché derrière sa culture anglo-saxonne pour justifier le recours à des "trusts".

"On n'hérite pas d'un délit ou d'un défaut de citoyenneté", lui a rétorqué jeudi Mme d'Onofrio. Elle a rappelé que la famille, dont le nom est l'un des plus connus du monde de l'art, avait contribué au rayonnement de plusieurs maîtres français comme Bonnard ou Fragonard.

Elle a aussi relevé que Guy Wildenstein avait été élevé au rang de commandeur de la Légion d'honneur pendant la présidence de Nicolas Sarkozy.
Avant de fustiger ces "impressionnistes de la finance qui se sentent Américain ou Suisse mais qui profitent de ce que ce pays", la France, "a de plus beau sans lui donner l'impôt dû".

La défense doit plaider à partir de lundi. Le jugement ne devrait pas être rendu avant plusieurs semaines.
 

Par Aurélia END

 

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Guy Wildenstein à son arrivée au tribunal le 22 septembre 2016 © Photo Eric FEFERBERG / AFP

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