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Ces galeries qui font le pari de la redécouverte

Par Aurélie Romanacce · L'ŒIL

Le 3 octobre 2017 - 756 mots

Tendance du marché ou réel investissement personnel, des galeries d’art contemporain font le pari de remettre au goût du jour des artistes disparus. Une autre facette du métier consacrée à la reconnaissance d’artistes oubliés.

C’est l’un des artistes de l’année, même s’il n’est plus là pour l’apprécier. Michel Journiac (1935-1995) a fait l’objet en 2017 de deux rétrospectives, aux Transpalettes de Bourges et à la Maison européenne de la Photographie à Paris. Figure importante de l’art corporel dans les années 1970, l’artiste questionne les notions de genre et d’identité à travers des photographies et des performances radicales. Mais pourquoi remontrer ces œuvres aujourd’hui ? « Afin de décaler la lecture qu’on fait de l’artiste », estime le galeriste Christophe Gaillard, qui représente l’estate (les œuvres) de Michel Journiac : « On connaît 24 Heures de la vie d’une femme ordinaire, mais pas son Journal politique ni son travail militant sur le sida. »

Christophe Gaillard n’en est pas à son coup d’essai : bien avant la tendance du marché de regarder des artistes plus anciens, il décide d’exposer dès le lancement de sa galerie en 2007 de jeunes artistes à côté de Tetsumi Kudo (1935-1990) ou Daniel Pommereulle (1937-2003). « À l’époque, on trouvait ça ringard d’exposer des artistes décédés ; aujourd’hui, tout le monde veut son artiste mort », remarque le galeriste. Pourtant, le travail d’archivage est conséquent et nécessite un réel investissement de la part de la galerie. « À la galerie, nous avons quelqu’un dédié aux estates qui collecte les archives, les scanne et réalise les recherches », révèle Christophe Gaillard. Un travail scientifique indispensable pour asseoir la renommée et concourir à la reconnaissance de l’artiste auprès des collectionneurs, mais aussi des institutions.

Faire entrer les artistes dans l’histoire de l’art
Une analyse que ne dément pas le galeriste Alain Margaron. « Ce qui m’intéresse, c’est que l’artiste soit vu », rapporte celui qui a œuvré pour la reconnaissance de Fred Deux, quitte à faire des donations aux musées. Aujourd’hui, c’est un autre grand créateur dont l’importance n’est pas appréciée à sa juste valeur, que le galeriste est fier de représenter : Jean Hélion (1904-1984). « J’aime Hélion depuis toujours. C’est mon premier achat à l’âge de 25 ans ! », s’exclame Alain Margaron.

Méconnu, Jean Hélion ? Exposé de son vivant au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, à la Lenbachhaus à Munich ou à la Fondation Guggenheim à Venise, il bénéficie même d’une rétrospective posthume au Centre Pompidou en 2005. Pourtant « on a du mal à l’appréhender », reconnaît le galeriste de la rue du Perche. « Il reste un important travail à effectuer pour le faire mieux comprendre, en particulier en ce qui concerne ses œuvres figuratives des vingt dernières années », soutient-il. Une facette méconnue de l’artiste qu’Alain Margaron a la chance de pouvoir montrer à sa galerie à travers deux grandes toiles rarement montrées au public : Suite chapelière (1980) et Trombone pour un peintre (1983).

Cette redécouverte a été rendue possible grâce au soutien de Jacqueline Hélion, veuve de l’artiste, qui a décidé de confier les œuvres du peintre à la Galerie Margaron, convaincue par son engouement et son implication. « Je prévois une grande exposition au printemps 2018 à la galerie et il y aura un gros travail d’édition autour d’un catalogue », dévoile le galeriste, tout en précisant vouloir montrer Hélion aux États-Unis.

La conquête de l’Amérique
Les États-Unis, un véritable eldorado posthume pour les artistes ? En tout cas, un terrain à conquérir tant les Américains semblent réceptifs à l’intransigeance des créateurs français. « Cindy Sherman, tu peux aller te rhabiller », écrivait un spécialiste de chez Sotheby’s au sujet d’une photographie de Michel Journiac de 1970, exposée lors de la foire Independent à New York, à laquelle participait Christophe Gaillard l’an passé.

Hervé Loevenbruck, lui aussi, mise sur la redécouverte des artistes. Le galeriste représente ainsi depuis 2014 la succession de Michel Parmentier (1938-2000), ancien membre du groupe BMPT. Outre deux expositions consacrées à l’artiste en 2014 et en 2016 à à Paris, le marchand d’art a réalisé en collaboration avec Guy Massaux, cofondateur de l’association Michel Parmentier, un ouvrage récompensé par le prix Filaf 2017 du meilleur livre d’art édité par une galerie. Et, comme une preuve du rayonnement de l’artiste outre-Atlantique, une rétrospective est programmée fin 2018 au Musée Eli Broad au Michigan. La récompense d’un travail de longue haleine pour Hervé Loevenbruck, pour qui le métier de galeriste est un formidable « accélérateur et révélateur d’artistes. »

« Jean Hélion »

Jusqu’au 7 octobre 2017. Galerie Alain Margaron, 5, rue du Perche, Paris-3e, galerieamargaron.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°705 du 1 octobre 2017, avec le titre suivant : Ces galeries qui font le pari de la redécouverte

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