Profession

Restaurateur de livres anciens

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 25 juillet 2007 - 909 mots

Jadis pratiquée par les relieurs, la restauration des livres anciens est désormais l’affaire de professionnels plus ou moins interventionnistes.

Le livre est un objet fragile qui peut être victime de dégradations dont les causes sont multiples : attaques chimiques dues au milieu atmosphérique, mais aussi contact avec un support acide (carton d’encadrement d’une gravure ou d’une reliure ; papiers de mauvaise qualité qui s’autodétruisent), mouillures et moisissures provoquées par un excès d’humidité, température trop élevée, poussière, exposition à un rayonnement ultra-violet, attaques d’insectes ou de rongeurs, sans oublier les déchirures dues à une mauvaise manipulation. Pourtant, pendant longtemps, la réparation des livres anciens est restée du ressort des relieurs, professionnels capables d’intervenir avec brio sur une partie du livre, mais moins pointus quant au traitement du papier. Forte d’une demande émanant des centres d’archives et des bibliothèques, soucieux d’assurer la bonne conservation de leurs fonds, une spécialisation est progressivement apparue. Le restaurateur de livres et de documents anciens est en effet détenteur d’un savoir-faire concernant chaque élément du livre : papier, carton, cuir, parchemin.

Conservation préventive
L’objet de son intervention vise à rendre sa solidité à l’ouvrage et, éventuellement, à lui redonner son aspect originel. Plusieurs formations ont ainsi vu le jour à l’exemple de ce qui se fait en Suisse, au Centro del bel libro d’Ascona. Ouvertes à des candidats ayant déjà de solides connaissances en reliure, les structures varient, de l’association à l’école privée et publique, l’Institut national du Patrimoine (INP) ayant ouvert un atelier dédié aux arts graphiques et au livre en 2005. « La vieille tradition française voulait qu’on entrait à la BNF ou aux Archives nationales en qualité de relieur et que l’on se formait sur le tas à la restauration, sans aucune base scientifique », raconte Marie-Christine Enshaïan, responsable de l’atelier de l’INP, où l’on prône un enseignement privilégiant la conservation préventive et l’intervention a minima, contrairement à certains restaurateurs professionnels. « Pour notre part, nous allons plus loin que la simple conservation de l’ouvrage, explique Olivier Maupin, pionnier dans le domaine de la restauration des livres, qui anime une formation continue à Chatou, dans les Yvelines. Si nous choisissons de restaurer, c’est pour redonner de l’esthétisme au livre, pour donner l’illusion que l’ouvrage n’a pas subi de dégradations », poursuit-il. Toutefois, l’intervention n’a lieu que si « la structure est codifiée car pour les livres rares, mieux vaut se contenter de les conserver ». Si la restauration des ouvrages est sollicitée par les collectionneurs et les libraires, les institutions publiques, bibliothèques, centres d’archives et musées ne font souvent le choix d’une restauration qu’à l’occasion d’une exposition. Toutefois, comme dans tous les secteurs de la restauration des œuvres d’art, le travail est régi par une déontologie. Toute intervention doit être réversible, respecter les techniques anciennes, utiliser des produits non acides et des matériaux proches des éléments anciens. La restauration doit par ailleurs rester discrète, mais parfaitement visible pour ne pas tromper sur la réalité de l’état du livre. Dans chaque cas, le restaurateur doit procéder à une fine étude scientifique, préalable indispensable à toute intervention. Les étapes suivantes varient en fonction de l’ouvrage : nettoyage de la reliure, débrochage en prenant soin de consigner l’aspect de la brochure pour la reproduire ensuite à l’identique, nettoyage aqueux et désacidification du papier, rattachement des plats, reprise de la couture puis de la tranchefile, restauration du carton de reliure, du cuir, puis la teinture de ce dernier (pour estomper les greffes de cuir), reprise ou non du décor. Plusieurs techniques de renforcement des papiers sont par ailleurs en usage. Le colmatage permet de combler les lacunes grâce à une greffe utilisant des fibres de papier. Le doublage consolide l’extérieur de la feuille avec du matériau cellulosique. Enfin, plus délicat, le clivage consiste à couper en deux le document dans son épaisseur pour y insérer un matériau de renfort. Le savoir-faire relève donc à la fois de connaissances scientifiques, notamment en chimie afin d’identifier les phénomènes de dégradation, mais aussi en histoire, histoire de l’art et histoire du livre, sans oublier une véritable dextérité manuelle. « C’est un métier très technique et il faut pratiquer énormément. On ne s’improvise pas restaurateur ! », témoigne Pascaline Fruchard, établie près d’Angoulême (Charente). En théorie, deux possibilités s’offrent aux professionnels : soit travailler au sein d’un service de conservation dans un centre d’archives ou une bibliothèque, soit s’installer en indépendant. Comme 80 % des professionnels, c’est le choix qu’a fait Pascaline Fruchard. « La demande est importante car les restaurateurs formés ne sont pas très nombreux, mais la clientèle ne sait pas toujours où nous trouver », explique cette dernière, qui travaille pour de nombreux particuliers, des relieurs, des libraires, mais aussi des institutions, dont la Cour de cassation. Marie-Christine Enshaïan regrette cependant que les institutions publiques n’emploient pas davantage de personnel spécialisé. « À l’exemple de l’Angleterre, de l’Allemagne et des Pays-Bas, il faudrait réfléchir à la création et à l’intégration des restaurateurs du patrimoine dans la fonction publique ».

Formations

- Ateliers d’arts appliqués du Vésinet, 28 bis, chemin du Tour-de-Bois, 78400 Chatou, tél. 01 39 52 85 90, www.aaav.asso.fr Formation continue en 3 ans. - Institut national du patrimoine (INP), département des restaurateurs, 150, avenue du Président-Wilson, 93210 Saint-Denis-La Plaine, tél. 01 49 46 57 92, www.inp.fr Durée : 5 ans. - Université Paris I Panthéon-Sorbonne, master de conservation/restauration des biens culturels, 3, rue Michelet, 75006 Paris, tél. 01 53 73 71 11, www.univ-paris1.fr - Centro del bel libro, section restauration de livres et papier, Via Collegio, CH 6612 Ascona (Suisse), tél. 41 91 825 11 62, www.cbl.ascona.ch

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Restaurateur de livres anciens

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