Profession

Opérateur d’archéologie préventive

La loi de 2003 sur l’archéologie préventive a ouvert le secteur à des acteurs privés

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2010 - 921 mots

« Recherche spécialiste de l’Antiquité et du Moyen Âge, avec expérience, susceptible d’être responsable d’opérations de fouilles préventives. » Rare il y a encore quelques années, ce type d’offre d’emploi d’archéologue salarié du secteur privé s’est multiplié en quatre ans.

Depuis 2005 – date de la publication des décrets d’application de la nouvelle loi relative à l’archéologie préventive (2003) –, les chantiers de fouilles préventives ont en effet été ouverts à la concurrence. Depuis 2001, seul l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) était autorisé à œuvrer dans ce domaine. Mais un sous-effectif chronique et l’impossibilité pour l’Inrap de pouvoir créer de nouveaux postes, imposaient des délais trop longs aux aménageurs – on dénombre en moyenne 500 à 600 chantiers de fouilles préventives par an dans l’Hexagone –, poussant les pouvoirs publics à autoriser d’autres opérateurs. Désormais, les diagnostics peuvent aussi être réalisés par des opérateurs agréés dépendant de collectivités territoriales. En revanche, la seconde phase, c’est-à-dire la fouille, peut être pilotée par des sociétés privées agréées par le ministère de la Culture.

N’est pas agréé qui veut
En novembre 2009, une table ronde organisée par le Sénat a été l’occasion de dresser un premier bilan de l’ouverture de ce marché à la concurrence. Sur les 77 opérateurs agréés par le ministère de la Culture, 21 sont aujourd’hui des structures de droit privé, dont deux étrangères. Soit un total estimé de 600 à 800 agents sur les 3 000 à 3 500 professionnels français de l’archéologie préventive. Cela, pour des structures de taille assez variable. Créée en 2005 à côté de Bordeaux, Archéosphère, agréée en anthropologie, emploie aujourd’hui 13 personnes en CDI pour des chantiers menés dans toute la France.

« L’université offrant peu de postes de recherche, nous avons constitué un regroupement de chercheurs et demandé notre agrément au ministère de la Culture », explique Cédric Beauval, son responsable, préhistorien de formation. La SARL intervient depuis en réponse à des appels d’offres ou à des consultations d’aménageurs privés. N’est toutefois pas agréé qui veut. « On ne peut pas être agréé à la sortie de l’université, précise Joseph Mastrolorenzo, installé en libéral depuis 2001. Il faut justifier d’une réelle expérience de la conduite de fouilles. » Le ministère de la Culture délivre donc ces agréments, pour une ou plusieurs spécialités, après avis du Conseil national de la recherche archéologique, conseil indépendant constitué de scientifiques.

Sur le terrain, ces nouveaux archéologues « privés » ont-ils eu du mal à s’imposer ? « Nous intervenons en aval, après l’établissement du diagnostic et dans le cadre d’un cahier des charges précis rédigé par les services de l’archéologie du ministère de la Culture », commente Cédric Beauval. Les relations avec les aménageurs sont donc plutôt apaisées. « D’autant plus que l’ouverture à la concurrence leur permet désormais de comparer les devis et d’avoir le sentiment de ne pas être rackettés », poursuit Beauval, qui avoue que les relations peuvent être parfois plus délicates avec les services administratifs de l’Inrap. « Même si l’archéologie est encore considérée comme une mission de service public, les choses tendent à évoluer. Nous devenons des archéologues comme les autres », souligne-t-il. Pour certaines spécialités très pointues, les choses ont été plus évidentes. Précurseur en matière d’archéologie du bâti, Joseph Mastrolorenzo a toujours travaillé sans difficulté avec les services régionaux de l’archéologie. Les nouvelles dispositions ont permis par ailleurs d’entériner l’existence de cette spécialité qui peut désormais faire l’objet de prescriptions lors de restaurations sur les monuments historiques.

Une revue ouverte à tous
Les opérateurs privés s’attachent à faire montre de bonne volonté et à fédérer la communauté scientifique. Le syndicat national des archéologues professionnels s’est ainsi lancé dans l’édition d’une revue, Archéo-Théma, diffusée en kiosque. « Très vite, nous avons entendu dire qu’une société privée était en train de “cannibaliser” une partie de l’archéologie française », a déploré devant les sénateurs Frédéric Rossi, son président. Mais la revue est ouverte à tout le monde. « Qui veut y écrire peut le faire. Ces nouvelles de l’archéologie concernent tous les opérateurs et tous les musées qui ont envie de faire de la publicité, communiquer leurs résultats », affirme Rossi. De fait, les opérateurs privés semblent attirer aujourd’hui des archéologues de tous horizons.

« Certains quittent l’Inrap où l’essentiel de l’activité est absorbé par les diagnostics », note Cédric Beauval. Car, malgré le vivier de jeunes alimenté par l’université, les opérateurs sont soucieux de pouvoir recruter des professionnels expérimentés, issus logiquement de l’administration. Après des débuts timides, le secteur commence à devenir plus concurrentiel. « Le nombre de dossiers instruits a diminué de 25 %, la concurrence est donc plus vive entre les opérateurs », confirme Cédric Beauval. Faut-il y voir un risque pour la qualité de fouilles et la diffusion de la connaissance ? « Il est urgent de mettre en place un système d’évaluation pour l’ensemble des opérateurs, publics et privés. Si le seul but est de purger les terrains, cela n’a aucun intérêt. Il faut exploiter les données enfouies dans le sol et restituer les résultats aux chercheurs puis au grand public », rappelait, lors de la table ronde au Sénat, Nicole Pot, à la tête de l’Inrap jusqu’à la fin 2009.

Formations

Une vingtaine d’universités françaises dispensent des formations théoriques en archéologie, principalement dans la filière histoire ou histoire de l’art, voire scientifique pour certaines spécialités. Quelques masters professionnels forment spécifiquement à l’archéologie de terrain (universités d’Amiens, Montpellier, Nantes, Paris-IV, Rennes, Tours…). L’École pratique des hautes études en sciences sociales et l’École du Louvre délivrent également des diplômes en archéologie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°320 du 5 mars 2010, avec le titre suivant : Opérateur d’archéologie préventive

Tous les articles dans Campus

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque