École d'art - Enseignement

Des écoles d’art parient sur la formation continue

Par Mathieu Oui · Le Journal des Arts

Le 22 avril 2018 - 1193 mots

Depuis quelques années, plusieurs établissements d’enseignement supérieur artistique développent une offre de formation continue afin de générer de nouvelles ressources propres.

Etudiante lors de la première session de formation professionnelle.
Etudiante lors de la première session de formation professionnelle mise en place par la HEAR, Strasbourg, en 2016.
Photo Florian Machot
© HEAR

France. Lentement mais sûrement, la formation continue se fraie un chemin au sein des écoles d’art. Une dizaine d’établissements (parmi lesquels Amiens, Tours-Angers-Le Mans, Mulhouse-Strasbourg et le réseau du Grand-Est…) se sont engagés en ce sens, en développant une offre de formation, voire, pour une poignée d’entre elles, en créant des postes dévolus à cette mission. Parmi les plus récentes à s’inscrire dans ce mouvement, l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (Eesab) a ainsi recruté en 2017 une personne pour développer un volant d’actions. En 2018, ce ne sont pas moins de 8 formations (d’une durée de deux à quatre jours) qui sont annoncées. La Haute école des arts du Rhin (HEAR) a quant à elle mis en place un service de formation continue il y a plus de deux ans. Les premiers workshops se sont déroulés en juillet 2016. Cette année, le service propose une vingtaine de formations. Six ont déjà eu lieu, et certaines, comme celle portant sur la création de caractères typographiques numériques, affichent même complet.

Partenariat entre écoles

C’est généralement à l’échelle d’un territoire, soit au niveau d’une région, soit dans le cadre d’établissements multisites, que les écoles se sont investies ou qu’elles envisagent de le faire. Il s’agit de proposer une offre complémentaire et équilibrée tout en évitant la concurrence frontale. Dans le cas de la région Grand-Est, le service formation continue, lancé par la HEAR, est désormais mutualisé avec les autres écoles de la région : l’Ensad (École nationale supérieure d’art et de design) Nancy, l’Esal (École supérieure d’art de Lorraine), et l’Esad (École supérieure d’art et de design) de Reims. Souvent, les partenaires locaux sont également associés aux programmes ou les soutiennent. Et, que ce soit à l’échelle territoriale ou sur le plan national, les écoles s’efforcent de mettre en avant leur expertise et leurs compétences. Par exemple, dans le cas de l’École supérieure des beaux-arts de Tours Angers Le Mans (TALM), Le Mans a proposé en 2015 une formation en design sonore, formation renouvelée en 2016. À Angers, c’est la spécialité en art textile qui a été valorisée : la formation autour des « Techniques sans métier à tisser » a attiré dix stagiaires durant cinq jours.

Convaincre les ayants droit

Pour évaluer les besoins de la formation professionnelle en arts visuels à l’échelle de la Bretagne, l’Eesab a diffusé en octobre 2017 un questionnaire, relayé par les réseaux professionnels et par le Pôle emploi Bretagne. Les organisateurs ont été surpris du succès de l’opération : plus de 1 000 personnes (artistes, professionnels de l’art et de la culture) ont répondu. Parmi les thématiques les plus citées par les répondants, figurent en priorité celles liées à la maîtrise d’une technique : impression (risographie, sérigraphie…), vidéo et photo numérique, logiciels de la suite Adobe… En matière de compétences transversales, les formations les plus fréquemment citées sont celles liées à la professionnalisation, au droit d’auteur ou aux contrats (liant un artiste et sa galerie, ou bien relatif à l’acquisition ou au prêt d’œuvres…).

Reste qu’il existe une différence entre manifester son intérêt dans un questionnaire et s’engager effectivement dans un parcours de formation. Car le recours à la formation continue, comme dans bon nombre de secteurs professionnels, ne va pas de soi. Trois quarts des répondants à l’enquête de l’Eesab déclaraient n’avoir pas suivi de formation au cours de l’année passée. Le droit à la formation professionnelle, trop souvent assimilé au statut de salarié, est récent dans le monde de l’art. Il a fallu attendre 2013 pour que la loi dote les artistes plasticiens en ce sens. Le recours à l’autoformation reste la règle. « Il y a tout un travail long et minutieux de pédagogie pour informer les artistes de leurs droits et présenter les dispositifs, souligne Grégory Jérôme, le responsable de la formation continue des écoles du Grand-Est. Dès que j’interviens dans une école d’art ou que je suis sollicité par des artistes, je n’oublie jamais d’informer sur ces droits à la formation. »

Accompagner les artistes

Pour les écoles, cette implication dans la formation continue représente une façon d’accompagner les artistes, qu’ils soient diplômés depuis peu ou exercent une activité depuis longtemps. « C’est notre objectif premier, affirme Jodène Morand, chargée de mission à l’Eesab. Nous avons pris notamment conscience du besoin des jeunes diplômés d’intégrer des compétences à leur CV. » En 2018 sont ainsi envisagées des formations en « design thinking », logiciel 3D, mais aussi en photo numérique, gravure et lithographie. Pour le directeur de la HEAR, David Cascaro, le recours à la formation s’étend au-delà de la maîtrise d’une compétence. « C’est aussi un moyen de souder et de consolider une communauté de pairs. Cet aspect est très important pour surmonter cette imagerie de l’artiste isolé. Nous essayons de favoriser ce travail collectif, en croisant les disciplines au sein de notre programme. »

Enfin – mais c’est pour beaucoup le premier objectif –, dans un contexte de tension des finances publiques, ces activités constituent pour les établissements un moyen de dégager des ressources propres. Mais, compte tenu des dépenses à engager – en particulier en personnel enseignant, des vacataires étant recrutés pour cette mission –, le retour sur investissement n’est pas immédiat. À la HEAR, l’équipe s’est donné trois ans pour parvenir à l’équilibre et commencer à dégager des bénéfices. Un délai sur lequel table également l’Eesab. Les responsables restent confiants. « À la différence d’une association qui doit développer ce type d’actions au coût réel, nous avons l’avantage de partager les coûts au sein de l’école, indique Grégory Jérôme. Par exemple, nous bénéficions des ateliers et équipements techniques, des locaux qui restent inoccupés plusieurs mois dans l’année, et nous sommes soutenus par le service communication pour diffuser nos informations. » La réforme annoncée (lire l’encadré) aura-t-elle un impact sur l’accès des artistes à la formation, sur la médiatisation de l’offre ? Difficile de le dire. Si les conditions de cotisation sont remplies, l’Afdas (Assurance formation des activités du spectacle) peut financer une ou des formations jusqu’à hauteur de 7 200 euros chaque année. Une véritable manne pas toujours connue…

Réforme de la formation professionnelle : ce qui va changer
Formation continue. Parmi les mesures phares de la réforme annoncée par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, figure le fait que le compte personnel de formation (CPF) devrait désormais être crédité en euros et non plus en heures. Chaque compte se verrait crédité de 500 euros par an, pour un total plafonné à 5 000 euros. Par ailleurs, les sommes destinées à la formation seront désormais collectées par les Urssaf – organismes collecteurs des cotisations sociales – et non plus par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Ce changement de taille ne devrait par intervenir avant 2020 ou 2021. Conservées à la Caisse des dépôts et consignations, ces sommes pourraient être débloquées automatiquement pour financer une formation certifiante ou qualifiante, choisie par le salarié ou le demandeur d’emploi. Enfin, une application permettrait de s’inscrire et de payer directement une formation sans passer par un intermédiaire, de connaître ses droits acquis et les formations certifiantes dans son bassin d’emploi.
Mathieu Oui
 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°499 du 13 avril 2018, avec le titre suivant : Des écoles d’art parient sur la formation continue

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