Affaire Van Gogh : le Seuil cherche le dialogue mais ne lâche rien

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 17 novembre 2016 - 636 mots

PARIS [17.11.16] - Proposition de débat public d'experts et coup de griffe à l'autorité du musée Van Gogh d'Amsterdam: les éditions du Seuil cherchent à sortir de la polémique sur leur ouvrage de dessins attribués au peintre néerlandais, publié jeudi en Europe et aux Etats-Unis.

Le jour même de la sortie du livre "Vincent Van Gogh, le Brouillard d'Arles, Carnet retrouvé", qui reproduit 65 dessins inédits attribués au peintre à l'oreille coupée, le Seuil a proposé au Musée Van Gogh d'Amsterdam qui conteste l'authenticité du carnet "d'organiser conjointement, dans un délai raisonnable, un débat public entre experts". Le débat devrait permettre, selon l'éditeur, de "mettre un terme" à la polémique qui a éclaté quand le Musée d'Amsterdam a publié mardi un communiqué cinglant pour dénoncer ce qu'il considère comme une "imitation" des oeuvres du peintre.

Le Musée Van Gogh fait autorité sur l'oeuvre de l'un des peintres les plus cotés au monde. Interrogé mercredi soir par l'AFP à Amsterdam, Louis Van Tilborgh, l'un des principaux experts du Musée Van Gogh, a été catégorique: "Nous pensons que l'auteur des dessins tels que découverts maintenant n'est pas Van Gogh mais quelqu'un qui l'imitait." "Cette personne qui a réalisé ces imitations a utilisé des reproductions du 20e siècle, après l'époque de Van Gogh", a affirmé l'expert. "Quelqu'un a fait de son mieux pour montrer que ces dessins pourraient être de Van Gogh: il a imité le style, l'iconographie mais en imitant, des erreurs sont apparues."

Tout en plaidant pour le dialogue avec l'institution néerlandaise, le Seuil conteste son autorité.

Casser le monopole
"Il y a un temple, il y a donc des gardiens du temple, c'est inévitable", affirme l'éditeur de l'ouvrage, Bernard Comment. Dans son communiqué publié jeudi, l'éditeur français estime que le débat qu'il propose sera également l'occasion "de faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles le Musée Van Gogh prétend exercer, de fait, un monopole d'attribution".

Dans le passé, le Musée Van Gogh s'est parfois trompé dans l'attribution ou non d'une oeuvre du célèbre peintre. Ainsi, rappelle l'experte australienne Felicity Strong, jointe par l'AFP, le Musée a d'abord considéré comme un faux le tableau "Coucher de soleil à Montmajour" avant de l'authentifier comme un Van Gogh.

"Nous sommes très transparents sur ce que nous trouvons, aussi sur les erreurs effectuées dans le passé, mais nous énonçons également nos arguments", se défend Louis Van Tilborgh.

Selon le Seuil, la spécialiste canadienne Bogomila Welsh-Ovcharov, qui signe l'ouvrage reproduisant les dessins, a mené "une expertise minutieuse" afin d'authentifier le Carnet attribué à Van Gogh. L'historienne de l'art est une experte reconnue de l'oeuvre de Van Gogh, qui a notamment officié comme commissaire au Musée d'Orsay à Paris.

"Mme Welsh-Ovcharov s'est assurée de l'expertise de bon nombre de spécialistes, parmi lesquels Ronald Pickvance, historien de l'art de renommée internationale, qui a, pendant soixante ans, travaillé sur la vie et l'oeuvre de Van Gogh", rappelle le Seuil. Il soutient que son ouvrage de 288 pages (69 euros) "constitue une avancée décisive dans la connaissance de l'oeuvre de Van Gogh".

Dans le communiqué du Seuil, Mme Welsh-Ovcharov tente de réfuter point par point les arguments du Musée Van Gogh, notamment sur l'encre, le papier, la topographie des paysages et le style. Le carnet de dessins contesté est un "brouillard", nom donné à un livre de comptes d'établissements comme le Café de la Gare à Arles où séjourna Van Gogh en 1888.

Ce sont les époux Ginoux, propriétaires du Café, qui l'offrent à Vincent Van Gogh lors de son séjour dans leur pension. Entre février 1888 et mai 1890, le peintre l'utilise pour y capter des paysages, des portraits (notamment celui de Gauguin), et son autoportrait lors de son séjour en Provence. Van Gogh le restituera ensuite aux Ginoux qui l'entreposent avec d'autres livres comptables où il va dormir plus d'un siècle.

Par Alain JEAN-ROBERT
 
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