Xavier Veilhan

Sa petite entreprise

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 597 mots

En guise d’atelier, des ordinateurs, des rangées serrées de CD, des caméras, pas ou peu de traces du travail de l’artiste, des livres – ce jour-là une pile annotée d’ouvrages savants sur les météorites – un canapé mou, une longue table et du chocolat. En vérité, une petite entreprise de belle humeur.
C’est que Xavier Veilhan occupe tous les fronts : institutions, espace public et réseaux privés. Il est l’un des rares artistes français à s’exporter tout en multipliant les collaborations avec des admirations de jeune homme. « J’essaie pourtant de moins me disperser », râle-t-il. Pour l’heure, le studio Veilhan est à la préparation d’Aérolite, un « spectacle musical » concocté avec le groupe Air. « Je voudrais faire du spectacle quelque chose de moins noué, sans rapport de force. J’aimerais bousculer sa temporalité et lui donner une forme de décontraction », explique ce bûcheur invétéré.

Œuvres désincarnées
Retour à l’avant succès. Veilhan ne se souvient plus très bien. « Il y a une relative imposture à parler de son parcours. Il est toujours troublé par l’état présent », lâche-t-il en croquant son chocolat. À l’entendre, les choses auraient presque été simples. Lentes mais simples : un passage par les Arts déco à Paris, au début des années 1980, suivi d’une digestion lucide du travail des aînés avec mention spéciale aux Américains, à la famille minimaliste et aux conceptuels.
S’ensuivront de longues discussions avec deux autres brillantes figures de la scène française, Pierre Bismuth et Pierre Huyghe, les premiers compagnons de jeu. « On savait qu’il fallait tout regarder et on attendait notre heure, sourit-il. C’était très différent d’aujourd’hui. Il y avait dix fois moins de choses à voir à Paris ! » Les années 1980 seront aussi celles de la collecte pragmatique mais dispersée des outils à venir. Veilhan plonge dans la culture urbaine naissante, organise des performances de rue, des soirées, expose un peu, croise les milieux noctambules, ceux de la musique, puis file à Berlin.
Au retour, la méthode prend forme, déblayant sans complexe l’image iconique de l’artiste. Et si Veilhan admet être de plus en plus « sensible à la beauté », l’œuvre elle-même subit ce lessivage intensif de toute tentation romantique ou psychologisante. Installations, mécanismes, sculptures minimales, furtives et hybrides, puis machines à exposer, le répertoire emprunte petit à petit à une technologie des plus aiguës, privant les œuvres d’incarnation ou de détail, les reversant dans le champ du générique ou du prototype.
À l’image du travail fluide et poli, s’ajoute un quelque chose de tranchant, de résistant, sous la façade de good boy, silhouette sportive, œil bleu terrible et sourire de gentil. C’est un « rasta blanc » s’enthousiasme le musicien Sébastien Tellier avec qui il a travaillé l’an passé. « Un artiste pompier tendance punk », corrige une critique qui le pratique depuis longtemps. Dans les années 1980, Veilhan s’était essayé à la radio. Une émission sur Cité Future où il  « passait Ian Dury, du ska et les tout débuts du rap ». Une deuxième couche. Corsée, façon chocolat.

Biographie

1963 Naissance de Xavier Veilhan à Lyon. 1982 Il intègre l’École nationale supérieure des arts décoratifs, à Paris. 1984 Études d’art à la Hoschule der Kunst de Berlin, dans la classe de Baselitz. 1989 Suit les cours de Daniel Buren à l’École des hautes études en arts plastiques, à Paris. 2004 L’artiste réalise un lion bleu de 8 m de haut dans le cadre d’une commande publique pour la place Stalingrad à Bordeaux. 2005 Première grande rétrospective au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg. 2007 Vit et travaille à Paris

Galerie Emmanuel Perrotin, 76, rue de Turenne, Paris IIIe, tél. 01 42 16 79 79, www.galerieperrotin.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°590 du 1 avril 2007, avec le titre suivant : Xavier Veilhan

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