Volte-face : les écoles d’art sous cotutelle

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 juillet 2013 - 655 mots

Les écoles supérieures d’art passeront finalement sous la tutelle conjointe de la Culture et de l’Enseignement supérieur, malgré l’engagement initial contraire des deux ministres.

L’affaire est pliée et risque d’accroître le fossé entre les artistes et Aurélie Filippetti. Elle concerne la cotutelle sur les établissements d’enseignement supérieur artistique et culturel relevant du ministère de la Culture, parmi lesquelles les écoles supérieures d’art. Celles-ci ne relevaient jusqu’à présent que du seul ministère de la Culture, et leurs directeurs entendaient bien conserver cette spécificité, ne voulant pas dépendre conjointement du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR). Ils l’ont font savoir dans une tribune publiée dans le quotidien Libération le 24 janvier 2013. Réponse immédiate des deux ministres, toujours dans Libération : « Pas de cotutelle sur les écoles de la culture ». Confirmation est apportée dans le projet de loi sur l’enseignement supérieur présenté aux députés en mai, qui ne parle que de « coordination ». Mais voilà, Vincent Feltesse, le rapporteur du projet de loi pour l’Assemblée nationale et par ailleurs challengeur d’Alain Juppé aux prochaines élections municipales, pointe « la fragmentation du paysage de l’enseignement supérieur », comme il nous l’a déclaré, et « voudrait que le MESR puisse avoir une vision globale ». Par un amendement, il fait remplacer le principe de coordination par celui de « tutelle conjointe » pour toutes les écoles supérieures, d’ingénieurs, de commerce et donc d’art. Les établissements relevant de la Culture ne lui sont pas inconnus. Il est l’auteur, à la demande d’Aurélie Filippetti, d’un rapport sur les écoles d’architecture dans lequel il note qu’elles sont pour la plupart d’entre elles favorables à la cotutelle. Ce qui est bon pour les architectes ne vaut-il pas pour les artistes ? « Non », répondent 600 artistes, enseignants et étudiants dans une pétition lancée à l’initiative de l’ANdÉA (Association nationale des écoles supérieures d’art), ce serait « un pas de plus en dehors du champ de l’art ». Peine perdue, députés et sénateurs s’accordent à l’unanimité sur cette cotutelle, d’autant plus que même Geneviève Fioraso, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s’y déclare favorable, le 20 juin, devant les sénateurs. Il est donc certain que le vote solennel de la loi sur l’enseignement supérieur en juillet va entériner cette disposition. Que va changer celle-ci pour les écoles d’art ? Difficile à dire avant la publication des décrets d’application ; il faudra aussi et surtout attendre la pratique pour mesurer les conséquences.

Sur le plan pédagogique
Sur le plan de la gestion, les écoles supérieures d’art sont autonomes depuis leur changement de statut en établissement public de coopération culturelle (EPCC), et la plupart d’entre elles relèvent en grande partie pour leur financement des collectivités locales – la cotutelle ne devrait pas changer grand-chose donc. C’est sur le plan pédagogique que le MESR pourrait influer et notamment dans le vaste chantier de la recherche et du doctorat. Mais là aussi, il va être difficile aux partisans d’une ligne dure au sein des directeurs d’écoles d’art d’expliquer concrètement à l’opinion publique en quoi l’éventuel représentant minoritaire du MESR (1) au conseil d’administration des écoles d’art pourrait desservir les 95 % futurs designers, graphistes, directeurs artistiques en entreprise ou en agences de communication et les 5 % de futurs artistes. Il est vrai que l’indigence de la filière arts plastiques de l’Université n’est pas pour rassurer. Les écoles d’arts appliqués (École Boulle, École Estienne) relèvent, elles, de l’Éducation nationale depuis bien longtemps. Au fond, dans cette bataille à front renversé où artistes et enseignants très majoritairement de gauche se retrouvent opposés à des décideurs de leur propre camp politique, les arguments sont plus idéologiques et symboliques que pragmatiques. La réforme adoptée depuis quelques années par ces écoles pour suivre les régles de l’espace européen de l’Enseignement supérieur n’a pas affecté pour autant la qualité des formations.

(1) in fine, l’article 3 du projet de loi rend cette présence facultative.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : Volte-face : les écoles d’art sous cotutelle

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