Musée

Bilan

Une sagesse convoitée

Par Vincent Noce · Le Journal des Arts

Le 21 avril 2015 - 691 mots

Riche d’un parcours exemplaire, Neil MacGregor va entrer au conseil scientifique du Louvre.

Il a été le directeur de musée le plus admiré. Et Neil MacGregor est en train de devenir le grand sage que tout le monde voudrait consulter. Soulignant avoir bouclé une extension comprenant un espace d’exposition, un laboratoire et un centre de recherche, il a redit sa foi dans la mission d’un musée « mis à la disposition du monde pour promouvoir la connaissance de l’humanité gratuitement, aussi largement que possible ».

Ce francophile, parlant un français et un allemand parfaits, a accepté l’offre de Jean-Luc Martinez d’entrer au conseil scientifique du Louvre. Angela Merkel lui a confié la conception du Humboldt Forum à Berlin (lire ci-dessus). Et il ne compte pas s’arrêter là. Chroniqueuse au Guardian, Charlotte Higgins, a suggéré de le nommer « trésor national » pour l’interdire d’exportation, à l’instar d’un chef-d’œuvre d’orfèvrerie : « personne n’a affirmé avec autant de force la place des institutions culturelles dans la construction d’une citoyenneté et la vision éclairée d’un pays connecté au monde ».

Un musée ouvert au plus grand nombre
Né à Glasgow en 1946, le jeune historien de l’art a été considéré comme le plus brillant de sa génération par Anthony Blunt, directeur de l’Institut Courtauld et conservateur de la collection royale de peinture. Il fit ses débuts en 1981 au Burlington Magazine, dont il a assuré l’indépendance. En 1987, il parvint à la tête de la National Gallery, où il a montré un rare talent de gestionnaire. À son arrivée, le financement privé n’atteignait pas 2 % du budget. Quinze ans plus tard, il représentait les deux tiers d’un total qui avait doublé. Avec d’autres, il a défendu mordicus le principe de la gratuité des collections. « Cette liberté change complètement la relation du musée avec la société, nous expliquait-il alors, n’importe quel Londonien peut entrer voir un tableau à l’heure du déjeuner ». En 2002, il fut appelé au British Museum, alors en crise. Déficit, abandon du projet d’un centre de recherche, perte d’un quart des emplois en dix ans, première grève de son histoire…
Même si cette nomination l’éloignait de la peinture, qu’il adore, il a embrassé à bras-le-corps cette collection des civilisations. Il n’eut de cesse de rappeler que le « British Museum a été fondé par le parlement en 1753 comme ouvert aux citoyens » – et non pas spécifiquement aux Britanniques. Il entendait donc en faire une « bibliothèque ouverte au monde ». Un de ses premiers gestes fut d’inviter un conservateur kenyan à choisir des objets au département africain pour monter une exposition dans la Corne de l’Afrique. Il a ouvert le musée aux immigrés, dans cette cité-monde où se parlent 200 langues, invitant les communautés à venir célébrer des fêtes coutumières. Il a initié un cycle d’expositions sur les grands empires, de tous les continents, tout en multipliant les partenariats à l’étranger. La fréquentation est passée de 4,6 millions à 6,7 millions de visiteurs. Le budget a presque doublé, les dons ont décuplé. Le gouvernement de David Cameron a cependant de nouveau coupé la subvention, entraînant des suppressions de postes et de nouveaux débrayages.

Cosmopolite
Le musée est devenu le plus prêteur de la planète (5 000 objets sont partis en 2013-2014 dans 335 lieux). En revanche, Neil MacGregor s’est opposé à toute idée de restituer à la Grèce les marbres du Parthénon, qui ont été « acquis légalement ». Il mettait aussi en garde contre un afflux de revendications nationales : « Il ne faut pas poser le problème en termes de propriété, mais d’accessibilité, nous disait-il encore… on peut regretter que ces musées universaux soient à Berlin, Paris ou Londres, mais ils sont eux-mêmes devenus des trésors de l’humanité permettant un dialogue entre les cultures ».

Cet encylopédiste des temps modernes, homme charmant, est aussi un amoureux de la France, spécialiste de la peinture française du XVIIe, qui a étudié la philosophie à l’École normale supérieure rue d’Ulm. Il aurait pu se retirer à la chambre des Lords, mais il préfère continuer à courir le monde en ambassadeur de bonne volonté. Difficile de l’interdire d’exportation.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : Une sagesse convoitée

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