Fiscalité

Une question sensible

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2006 - 867 mots

Pour les professionnels de l’art, la fiscalité est l’un des ressorts aptes à favoriser leur activité. Les impôts et taxes ont en effet une influence importante sur les choix des collectionneurs, pour acheter, vendre ou donner.

La fiscalité est souvent considérée par les professionnels du marché de l’art comme l’un des facteurs majeurs du développement de leur activité. De nombreux rapports, comme ceux rendus dans le cadre de Tefaf (International Fine Art and Antiques Fair) à Maastricht, ont fustigé, par exemple, l’introduction en Europe de la TVA à l’importation. Pour la première fois, le Journal des Arts propose de faire un point complet sur la fiscalité des œuvres d’art dans les principaux États d’Europe, aux États-Unis, au Japon et dans des pays où les collectionneurs sont de plus en plus actifs, comme la Russie et la Chine.
Dénoncées par les galeries et les maisons de ventes, de nombreuses taxes frappent les œuvres d’art quand elles circulent d’un pays à l’autre. Si les œuvres – hormis les trésors nationaux dont la protection varie d’un État à l’autre – peuvent circuler librement à l’intérieur de l’Union européenne (UE), celles importées en Europe en provenance d’un pays non membre sont soumises à une TVA. Toutefois, les importations temporaires d’œuvres d’art à des fins d’exposition peuvent ne pas être taxées. En revanche, il n’existe pas de taxe sur les importations et exportations d’œuvres d’art aux États-Unis. En Russie, les mouvements de biens sont fortement taxés. Les importations et exportations sont soumises à une TVA de 10 % ainsi qu’à des droits de douane de 18 % auxquels peuvent s’ajouter d’autres taxes. Ces barrières obligent les marchands étrangers qui participent à des foires organisées à Moscou à de multiples contorsions. S’il n’existe pas de taxe sur les exportations au Japon, à Taïwan et en Chine, les importations sont, de leur côté, taxées à hauteur de 5 % au Japon et de 7 % en Chine, tandis que seules les reproductions ou gravures sont taxées à Taïwan. Enfin, si la Suisse applique aussi une TVA à l’importation, ici de 7,6 %, il est possible d’y échapper en plaçant les œuvres dans les nombreux ports francs que compte le pays.

Le choix du paradis fiscal
À l’intérieur des États, les œuvres circulent aussi d’un patrimoine à un autre. Depuis 2001, l’Italie encourage les collections privées et la cession d’œuvres d’art dans le cercle familial. Si l’impôt sur les donations dans le cercle familial et les droits de succession y ont été abrogés, il est possible que la gauche italienne emmenée par Romano Prodi, arrivée au pouvoir en avril, les rétablisse prochainement. En Russie, les impôts sur les successions et les donations ont été abrogés en 2006, à la joie des collectionneurs, de plus en plus nombreux dans le pays. Si les autres nations prélèvent des impôts sur les successions et les donations, elles favorisent cependant les dons dans l’intérêt commun, ainsi au profit des musées. Référence dans le domaine, la législation fiscale américaine encourage le mécénat privé en permettant aux donateurs de déduire fiscalement les dons faits aux associations caritatives (musées et universités). En France, les sociétés qui versent des fonds à l’État pour lui permettre d’acquérir des trésors nationaux bénéficient d’une réduction d’impôt de 90 % du montant des sommes versées. Si elles achètent l’œuvre pour leur collection et s’engagent à la conserver en France, elles bénéficient d’une réduction d’impôt de 40 % du prix d’acquisition. Le gouvernement devrait par ailleurs annoncer prochainement de nouvelles dispositions, comme l’extension des réductions d’impôts aux sommes versées en faveur du patrimoine. En Italie, lorsqu’une société fait un don en numéraire à certaines institutions culturelles, elle bénéficie d’une déduction totale équivalant au montant de la donation sur son revenu imposable. En revanche, les personnes privées ne peuvent déduire de leur impôt sur le revenu que 19 % des donations faites en numéraire.

Autre disposition permettant aux collections nationales de s’enrichir, au Royaume-Uni, en France et en Belgique, la dation en paiement autorise le réglement des droits de succession au moyen des œuvres d’art appartenant au défunt ou à ses héritiers légataires.

La fiscalité directe n’est pas non plus sans conséquence sur le domicile des collectionneurs. L’exil de nombre de nos compatriotes en Belgique en est une preuve irréfutable. En France, le taux de l’impôt sur la fortune est en effet l’un des plus élevés de l’UE (0,5 % à 1,8 %), alors que cet impôt n’existe pas pour les particuliers en Belgique, à l’instar de la plupart des pays membres de l’UE. D’autres font le choix du paradis fiscal. En 2000, le FMI a publié une liste de 64 pays territoires abritant une place offshore (l’État du Delaware aux États-Unis est ainsi une destination prisée grâce à son statut fiscal dérogatoire). Les avantages financiers des paradis fiscaux varient d’un territoire à l’autre. Les Bermudes, les Bahamas et les îles Caïmans n’appliquent d’impôt ni sur le revenu, ni sur les bénéfices, ni sur les plus-values, ni sur la fortune et enfin ni sur le patrimoine, alors que la Barbade et les îles Anglo-Normandes (Jersey et Guernesey) ont quelques (faibles) taxes. La porte ouverte aux montages les plus sophistiqués

Dossier traduit et coordonné par Anouchka Roggeman et Renaud Helfer-Aubrac.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Une question sensible

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