Masques Hopis

Une nouvelle vacation a été organisée

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2014 - 637 mots

En dépit de nombreuses pressions, une vente publique d’objets Hopis a été maintenue à Paris, sans remporter toutefois un franc succès commercial.

PARIS - Le Conseil des ventes volontaires et le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, saisi en référé, ont refusé de faire droit aux demandes visant à suspendre la vente de l’opérateur Eve, qui s’est tenue le 27 juin à l’hôtel Drouot, comportant notamment des objets Hopis. Un lobbying en amont avait pourtant été mené par la tribu.

Paris serait-elle en passe de s’imposer comme la place mondiale pour la vente d’objets Hopis ? Sur un plan juridique, la vente de masques Katsinam réalisée par l’opérateur Eve, la troisième du genre en un an et demi, confirme une nouvelle fois que la législation nationale permet la dispersion de tels lots. Néanmoins, sur les vingt-neuf masques de la vacation, seuls neuf d’entre eux ont trouvé preneur, pour un montant total de 137 313 euros (frais inclus). À la différence de la vente du 6 décembre 2013, à l’issue de laquelle tous les lots avaient été adjugés – au profit, certes, d’une seule et même association et de l’avocat défendant les intérêts de la tribu Hopi en France. Rarement pareille vente aura mobilisé tant d’énergie pour tenter d’en obtenir la suspension.

Premier acte public, la présidente du Conseil des ventes volontaires, Catherine Chadelat, avait été saisie en urgence par trois entités, dont l’association Survival International France. La demande de suspension reposait sur trois arguments, tous écartés le 25 juin dernier. En effet, l’association n’avait pas rapporté la preuve que les vendeurs connaissaient le caractère illicite dont auraient été marquées tant l’acquisition que l’exportation des vingt-neuf objets Hopis proposés à la vente. Et cela d’autant plus qu’aucune législation française n’interdit le commerce de tels biens. Par ailleurs, la Convention de l’Unesco de 1970 était une nouvelle fois invoquée, sans succès. Ses dispositions n’imposent nulle obligation à des personnes de droit privé. Enfin, au regard de l’urgence de la procédure et de l’ancienneté des collections dispersées, le Conseil a écarté l’application de l’article 1-5-1 du Recueil des obligations déontologiques qui impose à l’opérateur de vérifier la provenance des objets.

« Ventes possibles »

Deuxième acte public, l’association Survival et la tribu Hopi saisissaient en référé le TGI de Paris. L’argumentation développée se révélait presque identique et l’ordonnance du tribunal du 27 juin également. En effet, « il n’est pas établi que la loi américaine interdit la vente de biens provenant de tribus indiennes lorsqu’ils sont détenus par des personnes privées » ; de là il est déduit que « les ventes sont possibles dès lors que [le haut conseil tribal] ne s’y oppose pas ». Quant aux conditions dans lesquelles les masques incriminés auraient été acquis et exportés, celles-ci ne semblent nullement douteuses. Enfin, l’ordonnance semble condamner en filigrane le recours systématique à la procédure de référé, visant à casser les ventes à venir, en rappelant « qu’aucune action en revendication n’a été mise en œuvre à l’issue des ventes » d’avril et de décembre 2013. Et pour la première fois, l’association Survival est condamnée à verser à l’opérateur 2 000 euros au titre des frais engagés pour sa défense.

En parallèle de ces procédures, une intense campagne de lobbying a eu lieu à Paris du 16 au 20 juin. Nommée en mai juge fédérale pour le district d’Arizona, Diane J. Humetewa, membre de la tribu Hopi, a été invitée par l’ambassade des États-Unis à donner une série de conférences sur la loi relative à la protection et à la restitution des biens culturels des tombes amérindiennes de 1990. Outre sa rencontre avec la garde des Sceaux, Christiane Taubira, la juge fédérale s’est notamment adressée à plusieurs groupes professionnels et au Conseil des ventes. En vain, juridiquement, mais le marché pourrait à terme être sensible à ces arguments.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°417 du 4 juillet 2014, avec le titre suivant : Une nouvelle vacation a été organisée

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